[le blogueur du jour étant excusé, j’ai proposé d’effectuer l’intérim, pour meubler, si vous voulez, pour faire le bouche-trou. Ceci n’annule en rien ma contribution prévue dans quelques semaines, intitulé « blogs et géraniums ». A ce sujet, je vous laisse méditer sur la cruauté du thème qui m’a été imposé...]
Avant, tout était simple, je mettais par exemple de la grande musique, Carmen, au hasard, compilation « les trésors de la musique classique », ou des valses de Vienne interprétées par ce violoniste si populaire en redingote . Elle était emballée, elle trouvait ça tout le temps romantique. Je pouvais l’emmener en week-end, et expliquer ma vision des choses, de la crise financière, l’effondrement du bloc communiste, en fronçant les sourcils, elle savait que j’étais quelqu’un de stable, de fiable. Les femmes aiment qu’on les rassure.
Devant l’ordinateur, ma femme demeurait souvent studieuse, pour effectuer la comptabilité de la maison, ou échanger des nouvelles avec belle-maman. Parfois, bien sûr, elle prenait du temps pour se distraire, lire les nouvelles en ligne, souvent tristes hélas, ou consulter les sites frivoles de mode, comme nos épouses aiment à faire pour se distraire ou rêver, ce qui est tout à fait légitime.
Un jour, cependant, je l’entendis glousser devant son écran. Evidemment, je fus intrigué. Que pouvait-il y avoir dans nos comptes qui l’amusât ainsi ? Quelle nouvelle classée dans les « insolites » avait pu éveiller sa gaité ? Ou bien, quelle événement extraordinaire avait pu inciter belle-maman a essayer l’humour ?
« Qu’est-ce qui t’amuse donc? demandai-je espiègle, et très ouvert d’esprit.
- Non rien, j’échange avec Spermy.
- Qui donc est-ce, demandai-je, intrigué, au plutôt sursautant sur mon fauteuil, ce « C’est permis » ?
- Non, non, Spermy.
- Sp… pardon ? Comme le…
- Oui, comme le sperme. »
Evidemment, je m’amusai aussitôt d’une telle incongruité, je me tapai le genou plusieurs fois avec force, tant j’étais ouvert d’esprit, et riant très franchement, je pris la chose avec une totale décontraction. Les technologies modernes sont cruciales et sans cesse changeantes, et il faut être alerte et ouvert, j’ai d’ailleurs plusieurs fois entendu et utilisé le terme de web deux points de zéro, et je sais rester en alerte, curieux tel le renard vif dans la forêt sans quoi on devient vite rigide comme un syndicaliste.
Je suggérai toutefois, assumant mon rôle tacite de protecteur, que c’était très bien d’aider les gens sur ce réseau. J’imaginai en effet que ce jeune homme avait besoin d’aide, se trouvait dans un cruel désarroi. Un tel patronyme sonnait en effet comme un poignant appel au secours. Je terminai, riant de plus belle, le genou meurtri d’être tapé, en ces termes, pour la rassurer totalement : « si tu veux, s’il te harcelle, bien sûr, nous pourrons porter plainte. » Constatant pour toute réponse un rire fielleux, je décidais de ne plus m’en mêler. Chacun a besoin de son jardin secret, c’est bien connu.
Malgré tout, je tâchai de consulter sa messagerie électronique, afin peut-être de déceler un danger qu’elle n’aurait pas vu, dans sa douce volonté d’aider les autres ; je constatais alors qu’elle avait modifié son mot de passe, je ne m’en formalisai point, il est normal de protéger son jardin secret, sinon c’est un jardin public, endroit où rodent des gens susceptibles de s’appeler Spermy, par exemple.
Protecteur, fiable, je l’étais, certes, mais je n’en restais pas moins un homme. Et même pour un époux solide, capable de gérer de nombreux dossiers, de supporter un stress toujours croissant, j’avais des doutes… Le lendemain, je faisais, à demi-mots part de ma perplexité à mon collègue Robert Dorame, le chef du contentieux (nous disions en plaisantant : chef du contentieux, et bientôt chef du compte en Suisse, preuve que nous aussi, nous étions capables de plaisanter, sans avoir recours à des pseudonymes désobligeants). Nous venions juste de gagner un double, au tennis, face à des gars du service comptabilité, et il me répondit plein d’optimisme : « Regarde la bonne branlée qu’on leur a mise, à ces connards de la compta, tu penses quand même pas qu’on va se laisser emmerder par tous les enculés du monde ? Regarde les Incas, ou les Mayas. Ils avaient tout compris : je te sacrifie, ou c’est toi qui me sacrifies. Tout est animal. Sexuel et animal. Regarde, les mecs de la compta, quelque part, pendant ce match, on les a sacrifiés comme des Incas, et symboliquement on les a éviscérés et on a dansé sur leurs tripes encore fumantes ! » Puis il sauta sur place, semblant piétiner des viscères, ce qui me rasséréna beaucoup.
Cet inconnu est sans doute homosexuel, dis-je le soir venu à mon épouse, il veut peut-être se soigner par le dialogue ? Je lui expliquai alors cette théorie sur les Incas ou les Mayas qui sacrifiaient sexuellement des animaux, elle soupira, puis enfin m’interrompit juste avant la conclusion, ce qui était frustrant, en ces termes : « tu te prends tellement au sérieux… ». Ne sachant que dire, je terminais mon cognac en silence.
J’aime avoir le contrôle. Je décidais donc, toujours aussi ouvert d’esprit, d’en savoir plus, et au bureau, je tapais dans un moteur de recherche, à tout hasard, le nom de cet étrange correspondant, Spermy. Je tombai sur son journal intime où était exposée en gros la photo d’un pénis, ce qui me mit dans un profond embarras vis-à-vis de ma secrétaire et du personnel. Comme il se doit, face aux gloussements, je gardai le silence, afin de ne pas prêter crédit aux rumeurs qui pourraient en découler.
Je tentai à nouveau l’expérience quelques jours plus tard, une fois la secrétaire et le personnel partis. Je fus tout à fait interloqué par ce que j'y lus. Je ne sais pas si ce garçon racontait vraiment sa vie, mais j’aurais été gêné de m’exposer ainsi, aux yeux de tous. J’aurais, je pense, à sa place, choisi de mettre plutôt en relief des expériences positives et valorisantes, par exemple mes loisirs (le tennis où je garde un excellent niveau), et éventuellement ma vision de la crise actuelle, ayant, vu ma position, une vision assez complète du phénomène, au lieu de développer mes relations avec le monde, les filles et le douloureux problème de mon homosexualité.
Je méditai avec une morosité certaine sur l’aspect canaille de la chose. Le soir, pendant le repas, j’hasardai, tout à fait décontracté, avec un clin d’œil : « Ah, ce coq au vin est quand même plus agréable à manger que du caca boudin ! ». Elle me dévisagea, consternée. Je toussais, et tentais de poursuivre : « c’est vrai enfin, on est pas forcé de se prendre tout le temps au sérieux ! On peut aussi s’amuser, comme si on avait gardé une âme d’enfant ! D’ailleurs, j’ai rudement envie de jouer aux sept familles, comme lors de notre rencontre !». Elle se retira ensuite, l’air affairé, pour faire nos comptes sur l’ordinateur. Je l’entendis glousser parfois.
Au golf, je fis part à Robert Dorame de cette situation gênante. C’était comme si je perdais contrôle, et je n’aimais pas ça. C’est peut-être sexuel, m’expliqua-t-il, ratant la balle, et frappant en conséquence plusieurs fois le club contre le sol pour calmer sa colère. Tout est sexuel. Animal et sexuel. Il développa sa théorie. Il me parla du retour de la Bête, de la bestialité. Les hommes sont des chasseurs, leur instinct est de marauder dans les bois, pour chasser la bête, bête contre de bête, tuer, et dépecer pour manger de la viande et faire des colliers avec les viscères. Nous devisâmes longuement sur les peintures rupestres, les conquistadores et le besoin symbolique de puissance, pour en arriver à la crise financière actuelle. Cette lecture bestiale de l’humanité me remplit encore d’une foi nouvelle en la cohérence ce l’univers.
Le soir même, je m’approchai langoureusement de mon épouse, et d’un air tout à fait décontracté, sans me prendre au sérieux le moins du monde, mais bestialement tout de même, mais modestement, je susurrai : « …si tu veux, tu peux m’appeler Bity ? Qu’en penses-tu ?», et je soulignais ma proposition, avec de nombreux clins d’œil des plus engageants. Elle se leva pour faire ses comptes sur l’ordinateur, en pleine nuit, cela tournait à l’obsession.
Au bureau, je consultai plusieurs fois le site de l’inconnu. Fort heureusement, il avait ôté l’image désobligeante de son pénis, ce qui n’empêcha pas les gloussements des secrétaires et du personnel de se poursuivre dans mon dos. Je me réjouis, en le lisant, le téléphone à la main, sur le point d’appeler mon avocat pour intenter un procès à cet individu qui proposait ses fantasmes délirants en ligne sur ma femme.
Je signais ainsi anonymement un commentaire : « Votre article est très beau, mon cher Spermy, sincèrement, je suis de tout cœur avec vous, je suis sûr que vous allez vous en sortir et triompher de votre homosexualité, et sans doute, alors, laisser les femmes des honnêtes gens tranquilles. »
Je triomphais alors avec ce message impétueux, et bienveillant à la fois, dont la puissance devait logiquement l’amener à cesser son carnet ; ce qu’il, évidemment, ne fit pas.
36 commentaires:
preum's !
:)
Preum's aussi.
merde ! bataille !
Bob Dorham, chef du contencieux ?
Oui, Gaël, mais moi, en plus, je lis le billet.
pas preum's.
Mon époux est fou !
Excellent billet. Sauf des phrases.
deuz !
Je propose à toutes les femmes mariées qui lisent spermy et mouillent leurs dentelles (ou leurs gaines, selon l'age de se retrouver sur le groupe facebook : "Glouââre a spermy", on organisera un tournoi mensuel de catch en string dans la boue où nos maris ne seront pas invités.
Spermy sera le roi !
Glouââre.
(les femmes célibataires qui le lisent peuvent venir aussi, mais elles n'auront droit qu'à un concours de t-shirt mouillé)
est-ce que lire c'est tromper ?
spermy envoie-t-il des photos cochonnes et licencieuses son la boite e-mail de zoridae ?
spermy n'est-il pas l'avatar en fait caché de balmeyer créé dans un vain espoir de reconquérir sa femme qui le délaisse pour une feuille de compte excel et ce traiteur qui fait un si bon coq au vin ? (un peu comme dans le zèbre d'alexandre Jardin, sauf qu'à la fin il ne meurt pas)
Nef, ne salis pas ma relation avec Spermy stp !
Nef,
Excellent le croisement de nos deux derniers coms !
comment spermy gère-t-il l'afflux de femmes en folie qui se jettent sur son blog ? (ah non ça on sait déjà, c'était le billet de la semaine dernière)
non mais comme j'ai ri, non mais vous alors. je songe à attenter aux jours de bob dorham afin que vous ayiez à nouveau l'occasion de le remplacer au pied levé, ce qui vous connait d'ailleurs, le pied levé (comme amel bent mais en pied).
pour être exact, je me dois de préciser que malgré de nombreuses tentatives par courrier électronique, votre épouse a toujours refusé d'entretenir une relation de type "téléphone rose" avec ma personne, n'ayant que des "mon époux" par-ci "mon mari" par là à la bouche.
ce n'est qu'à présent que j'ai lu ce que je viens de lire que vous remontez dans mon estime, car je trouvais jusqu'ici que vous faisiez une bien vilaine pub à Malbeyer qui lui est un auteur.
je vous salue bien bas.
quoi ? que ? Spermy a proposé des trucs sales à Zo et pas seulement à moi ?
je suis outrée.
Non mais v'là aut' chose, je me retrouve chef du contentieux, je piétine comme Iznogoud sur des terrains de tennis (sport honni d'affreux bourgeois) (pourquoi pas du golf tant qu'on y est) et v'là-t'y-pas que Spermy veut me liquider pour te laisser toute latitude !
---
Je connais bien ce Robert Dorame, il est prêt à témoigner de son expérience, il a fait un concours de queue avec la bannière de Spermy et l'a emporté haut la main...
(merci, Bal, de nous avoir sauvé la mise)
Nef,
t'inquiètes Spermy m'a proposé également des trucs sales et il était toujours question qu'à un moment ou un autre, tu interventionnasses !
Faisons de Balmeyer le résident permanent du plafond ! (il a qu'a signer d'un autre nom. Ségolène une semaine, Didier Gouxbis l'autre.)
Nef est surexcitée !
cinq jours sans bloguer, je m'autorise un excès de commentaires pour compenser ! mais ça y est je retourne à mes moutons.
Merci Spermi de me defandre, c'est parfois dur d'etre un compris.
Dorham : "(pourquoi pas du golf tant qu'on y est)", ben dans le billet, il fait du golf... :)
Pas mal, pour un texte à l'arraché ! Même s'il souffrirait un petit toilettage : il reste des toiles d'araignée orthographiques et syntactiques, mais bon.
Comme quoi on peut produire de bons écrits avec de mauvais sujets.
Je viens de relire, plein de coquilles et j’ai deux-trois phrases pas finies… bon on corrigera la tête reposée… hein…
slt didié gout
je te piss à la ré konar
sur se file la je peut le dire lol
tu me fé chié vat susser des chtroumf
c'est pour ça qu'il a la langue bleue !
Bal,
ah oui, le golf...
t'as raison, pourquoi en étais-je resté au tennis ? Horrible...
Pourquoi pas le croquet tant qu'on y est !!!
Balmeyer, je compatis.
Spermy, attention de ne pas glisser...
coucou! pas mal, mais ce n'est plus de mon âge, en principe, ces lectures. Amusez-vous bien!
Selon Facebook, je serais mariée à Spermy de Spermito, quitte à faire des jalouses.
...une petite parenthèse pour commencer : si vous vous visitez le site de monsieur spermy et laissez un commentaire, toute majuscule est automatiquement convertie en minuscule ; c'est diabolique ; monsieur balmeyer, je ne vais pas perdre du temps à commenter votre billet tellement il y a de fautes de goût et d'orthographe dans les commentaires auquel il donne lieu ; monsieur balmeyer, vous faites rire tout le monde, c'est insupportable ; si vous pensez que nous allons laisser nos femmes et nos amants continuer à vous lire, vous vous trompez ; cependant, je serais heureux si vous pouviez vous libérer mercredi prochain pour emmener les enfants jouer au jokari pendant que je tenterai de conquérir votre femme...
Demain, je lis Spermy, c'est permis? qd mon homme sera parti, je ne voudrais pas glousser en public;-)
Monsieur Bity, c'est excellent et très drôle. On se demande ce qu'elle peut bien lui trouver à ce Spermy, votre femme. Allez, courage. Vous pouvez aussi renversez votre café sur son clavier...
Ca devrait pas être permis...
Enregistrer un commentaire