Préambule

J'aime bien inspirer des auteurs, susciter des débats, lancer des idées, partager des sujets. Comme j'ai pris l'habitude de le faire régulièrement, mon blog, tout en étant le même, ne me ressemblait plus vraiment. Les invités s'accumulaient, on ne voyait plus le papier peint ; j'ai donc décidé de faire de la place et de les coller au plafond.

Pour commencer, la rubrique Blogs et... va se poursuivre ici.
(Les anciens messages et la plupart de leurs commentaires ont été transférés ici)

Bienvenus et merci à tous les participants

mercredi 11 février 2009

Tracas et plaisirs du blogueur

[Contribution de Charlemagnet]

Lorsqu'on passe dans un bois et que l'on aperçoit quelques fourmis, on est loin d'imaginer l'importance de leur communauté, leurs règles de vie ou leur mode de fonctionnement.

Et bien j'ai eu cette impression lorsque j'ai débarqué dans la blogosphère l'an passé, un peu par hasard je dois bien le dire.
J'étais en fait tranquillement en train de faire une recherche sur un moteur de recherche célébre pour ses 2 OO accolés, lorsque j'ai atterri sur un blog.
Incroyable..quelle vie...!
Alors que de nombreux confrères continuent de penser qu'ils ont la science infuse, et que leurs propos, si "empreints d'intelligence", seront cités dans toutes les écoles de journalisme dans un siècle, j'ai découvert des espaces forts bien faits où les citoyens lambda- là je reprends sciemment le terme journalistique parisianiste en vogue- parlent d'un nombre incroyable de choses... et de façon très lisible.
J'ai appris des tas de choses, qui n'ont rien à voir avec les bêtises alignées sur les blogs des journaux, qui sont en fin de compte les nouveaux cafés du commerce. Et en pire car l'anonymat permet des lâchetés verbales bien pratiques pour certains forts en gueule mais faibles en rhétorique.
Et donc depuis ce jour où j'ai débarqué sur cette planète, je ne suis plus reparti...

Dans un premier temps, j'ai fait un peu le tour de ces micros-sociétés afin de trouver un endroit où je me sentirais à mon aise.

Le sport? bof... trop technique et comme j'en fais peu à part quelques footings...
Le cinéma? non! trop prise de tête...
La mode? mouais.. joli... mais trop pointu, nombriliste et féminin...
Le sexe? carrément sans limites... mais moi j'en ai, alors tchao...
La vie au quotidien? avec ses plaisirs et ses tracas... nombreux et variés... voilà ça y est... j'avais trouvé chaussure à mon pied.
Une chaussure qui finalement me va bien puisque depuis j'ai rajouté l'autre pied avec celle des blogs littéraires... Trop forts! Et si planants à mon sens... lorsque je suis plongé dedans, tout peut arriver à mes côtés... un avion pourrait s'écraser... un train pourrait dérailler.. une manif' pourrait dégénérer... rien ne me perturbe... je suis ailleurs... dans la pensée de celui qui a écrit... waouhhhh... quel plaisir intellectuel...

Dans un second temps, j'ai observé les us et coutumes, beaucoup lu avant de me jeter à l'eau et de laisser mon premier commentaire.....
(Arrrggghhhh.... super dur à faire en fait....le 1er commentaire... pire qu'un premier baiser...
Alors quand j'ai tapé quelques mots en lien avec un billet, j'ai eu l'impression d'avoir une multitude de caméras braqués au dessus de mon écran qui m'observaient... et en plus j'étais rouge.. tout rouge de honte... alors que finalement... cela était indolore... la boulangère de mon quartier n'a jamais su que c'était moi Charlemagnet qui avait écrit cette comm' si pesée, si tournée 10 fois dans mon esprit avant d'atterrir sur mon écran... mon voisin de palier n'a jamais su que c'était moi non plus... bref j'ai survécu...
Le blogueur a répondu à mon message fort sympathiquement et c'est à ce moment là que le petit train de la blogo-addiction est parti... pour un voyage sans fin...
J'en ai parlé à quelques amis fort bien documentés sur la chose en général et sur les blogs en particulier, et ceux-ci m'ont encouragé à ouvrir mon espace. Avec tout ce que j'avais à raconter... je pouvais largement remplir des centaines de billets....
Il ne restait plus qu'à trouver un axe de rédaction...
Cela n'a pas été long étant donné que j'ai une vie assez agitée à tous niveaux...
Mais ne souhaitant pas finalement, comme beaucoup d'autres, dévoiler mon identité (car ma place j'y tiens et ils sont nombreux à la vouloir...) j'ai décidé de laisser un voile de secret sur les choses...

Et c'est le mieux finalement vu les tracas et les plaisirs que cela engendre...
Et oui j'y reviens à ces tracas et plaisirs... Je n'ai pas oublié le sujet de cette introspection.
comme dans la vie réelle, la vie de blogueur a donc son lot de choses négatives et positives.

D'abord les tracas.

Et bien ils sont quand même légions ces petits moustiques qui viennent me piquer dans le cou lorsque je suis sans défense.

Je peux citer par exemple les remarques acerbes.
Sur un détail assez insignifiant du texte. "Pourquoi conduis-tu une Mini? c'est pour les femmes ça!!" ou bien "elle est trop vieille pour toi cette Bertille" ou encore "comment fais-tu pour écrire un post allongé dans un lit dans un hôpital?". J'en profite donc pour faire une mise au point sur mon travail. J'aime bien quand un texte est bien ciselé, bien charpenté et bien étoffé. Rien n'est jamais laissé au hasard. Tous les détails écrits servent à l'histoire. Ils ne sont pas là pour décorer. J'ai bien l'impression que tout à chacun à oublier la notion de lecture. Il ne faut pas survoler un texte. Il faut le lire attentivement, s'en imprégner. Alors tout coule, tout roule... tout s'éclaire. Je passe un certain temps à reconstruire mes faits de vie. Alors prenez quelques instants de plus pour déguster le récit et tremper les mots dans votre tasse de café comme un délicieux gâteau.

Je peux également parler du stress de la page blanche.
C'est terrible cette peur de ne pas réussir à aligner la première phrase du texte. L'amorce. Celle qui doit amener le lecteur - en fait pour moi c'est plutôt la lectrice à 95%- à poursuivre sa découverte..
Et bien parfois je n'ai plus d'inspirations... je n'y arrive pas... j'aimerais bien vous conter une anecdote sur ma première cuite ou ma perte de virginité mais je suis totalement bloqué sur mon clavier... rien... ou plutôt oui ... des phrases sont bien alignées... mais c'est creux... fade... on croirait un compte-rendu écrit de kermesse dans un quotidien régional ou une "envolée lyrique" vraiment basique d'un baveux d'une chaîne télévisée qui nous ressort pour la énième fois son scénario avec ses jeux de mots à trois balles..
Alors dans ces cas, je fais abstinence... je n'écris pas... et le stress monte... et je dors peu la nuit... car je n'ai pas envie de vous dévoiler une page blanche au petit matin lorsque vous allez vous connecter sur "ma vie secrète...". Quels tourments!! alors que je ne devrais sans doute pas...

Je peux aussi vous entretenir de la difficulté à revivre certains moments pénibles de mon existence.
Les scènes d'amour, c'est bien pratique. C'est beau, c'est bon, c'est chaud... et tout le monde apprécie - ah... si j'ai mes stats... et mes mails privés... vous aimez cela...
Mais les ruptures c'est terrible! il ne s'agit pas d'une chose insignifiante pour moi. Cela a pu être un moment terrible lorsque j'aimais encore cette femme et qu'elle m'a quitté en claquant la porte... Cela a pu être horrible lorsque j'ai perdu cette femme à cause d'un accident de la vie... Oui je parle de toi Caroline, disparue lors du tsunami... Et que dire des petites choses comme les disputes, les moments trop rares avec mon fils.... bref je souffre... pensez-y...!

Pas facile, vraiment pas facile d'affronter une seconde fois avec son ordinateur les mots relatant ces instants... que je préfèrerais oublier... mais bon... il faut bien tout raconter... tracas et plaisirs...

Les plaisirs....

Aaahhhhhh.... mes choses préférées.... et les vôtres aussi par ricochet...parce que sur ce sujet, je dois dire que je suis loin de vos attentes.
Je ne pensais pas initialement que raconter la vie d'une relation amoureuse vous plairait autant et vous amènerait, soit offciellement soit plus discrètement, à vouloir en savoir un peu plus...
A l'école, nous avons été initié aux mathématiques ou au français, qui sont des matières bien précises, constitués de règles à respecter, parfois peu évidentes au premier abord.
Sur mon blog, vous avez voulu que je vous initie à ma planète amoureuse.
Vous souhaitiez savoir ce qu'il y a dans le cerveau d'un homme lorsqu'il rencontre quelqu'un qui lui plaît.
Que je vous raconte tout.

Alors je vous ai parlé entre autres de Marie, Elsa, Bertille ou sa fille Aliénor, Marie et Sabine ou Luana.... J'ai brièvement abordé Caroline, trop tôt et si brutalement arrachée à la vie...
Mais je ne vous ai pas encore parlé des autres... Celles que j'ai rencontrées au hasard de la vie et de mes voyages et qui ont partagé quelques jours ou quelques semaines de mon existence...
Car je garde tout en mémoire... je n'en oublie aucune... cela a souvent été bien ou moins bien avec elles mais on ne peut annihiler ces premiers instants magiques où l'on sent que l'autre dégage quelque chose qui nous attire et que cet attrait est partagé... les premiers instants d'une relation... les plus beaux et les plus magiques...
Bref vous racontez toutes mes petites histoires de coeur est, je dois le dire, assez plaisant.
Et comme vous l'avez remarqué, je conserve toujours une certaine pudeur à évoquer cela.
Je ne conçois aucunement cette retranscription par la vulgarité. Tel n'est pas mon style. Je préfère des mots plus neutres à des expressions grossières qui ne font pas partie de mon éducation et que je laisse volontiers aux autres sur leurs blogs.
Je suis loin d'être novice en la matière, j'ai l'esprit très conciliant mais je ne suis pas un pornocrate ni un exhibitionniste. Beurk....

Un des autres plaisirs à la blog-attitude est, en ce qui me concerne, la possiblité de discuter avec ses lecteurs, enfin plutôt des lectrices en ce qui me concerne.
Cette intéraction est vraiment une super-idée.
On réfléchit à un sujet, on écrit un article, on le poste et on attend au bord du lac. Comme un pêcheur attend que cela ferre. Tout en rêvassant à ce que vos propos vont immanquablement entraîner comme réactions d'indignation ou d'approbation. Ou en essayant de trouver où vous allez encore m'emmener avec vos extrapolations.
Je remonte donc ma ligne de commentaires de temps en temps, et j'adore.
Je n'ai pas cette possiblité par le biais de mes activités professionnelles. On me commande un article, je l'écris et basta... je ne m'occupe pas de son S.A.V.
Et cela est bien dommage à mon avis.
Remarquez je n'attends pas spécialement de réactions lorsque j'explique la floraison et la spécifcité de l'arbre à papillons ou lorsque je décris par le détail 10 jours de marche avec les guérilléros d'un pays d'Amérique du Sud...
Répondre à vos commentaires, c'est un peu comme discuter avec des amis autour d'un thé dans un salon du dernier livre lu ou film visionné. Chacun a des arguments, les expose, et on débat inlassablement. Très intéressant...

Enfin, et pour terminer, gérer un blog me permet aussi d'assouvir ma passion de l'écriture.
J'écris beaucoup déjà. Mais cela ne me suffisait pas.
J'ai donc surenchéri avec ces petites histoires secrètes qui vous détaillent les mille et une chose de ma vie...
Et ça vraiment c'est un plaisir évident car très personnel. On peut y infuser ses sentiments, ses idées... On est son propre rédacteur en chef et son propre censeur...
Personne n'a rien à me dicter en la matière. Je fais ce que je veux et comme je veux... C'est vraiment le dernier espace de liberté...Car la liberté est avant tout spirituelle, pas matérielle.
Le vrai luxe ce sont les mots, pas l'étalage de ses biens. Et moi tout cela me suffit amplement...
J'apprécie aussi beaucoup de collaborer avec d'autres blogueurs. Ce que j'ai fait début janvier en conviant 4 d'entre eux (Monsieur+, Ysa, M'ame Scoffield et Louise) à écrire sur mon blog. J'aime l'échange des mots.
Et voir les autres écrire sur son propre "petit monde " est très intéressant et hyper plaisant. Cette expérience sera refaite à l'avenir car vraiment c'est une porte ouverte sur de nouvelles évasions.
Comme écrire ici aujourd'hui, et à la demande de mon hôte... J'adore...
Et je suis prêt à le refaire...

Finalement, bloguer c'est comme explorer d'autres fourmilières, des mondes parallèles où la vie existe aussi et mérite d'être éclairée et reconnue.

mercredi 4 février 2009

Au bout du blog… pas de plage.

[Contribution de Didier Goux]


Un blog c’est une tentation et un filet ; un ersatz aboutissant à un mur, ou encore à un labyrinthe. La tentation d’écrire, la certitude que l’on va maîtriser l’instrument, lui à notre service et nous régnant.

Rapidement, la tentation se fait impératif et c’est là que le blogueur commence à sentir les mailles rêches du filet s’imprimer sur son dos, tels les verges et les fouets sur celui de saint Paul. Il faut continuer, il le doit et se le doit, du moins s’en persuade-t-il ; chaque matin, la vision de la page d’hier s’affichant à l’écran lui est un peu plus douloureuse, un reproche lumineux. Une date qui reste vide au calendrier des archives, et le voilà qui s’agite, convulsionne, frénétise : du texte, il faut du texte… Sinon, que vont penser les Autres ? Les tapis, les embusqués, les dans-l’ombre ?

Donc le blogueur écrit. Son illusion de maîtrise s’est dissipée sans qu’il s’en aperçoive, et de toute façon peu lui chaut. Il faut écrire, tout fait ventre. D’abord les phrases qui lui passent par la tête, puis celles qui n’y passent même pas, avant de finir par cajoler le vide en pleurnichant de vertige. Il est pris dans le filet, seuls les doigts bougent encore ; mais de plus en plus gourds.

Et le blogueur ruse, s’essaie aux stratégies de contournement, aux manœuvres d’auto-diversion : ce qu’il n’a pas le temps ni la force d’accomplir ailleurs, eh bien ! il le consignera ici même. En l’absence de livre, le blog servira de succédané. Sera son succès damné.

Car assez vite le mur est devant lui, très haut. Dépourvu de poternes et de pont-levis mais pas toujours de meurtrières. C’est un mur luminescent et immatériel, pas franchissable pour cela. On peut le taguer à la rigueur, pour amuser la galerie, mais il est impossible d’y écrire – ce n’est même pas un mur des Lamentations ; celui des reniflements dépités et faussement dédaigneux à la rigueur, mais pas plus.

On raconte que certains blogueurs, pas mieux partis que les autres pourtant, sont parvenus à contourner le mur ; ou à creuser dessous des galeries, on ne sait trop. Mais on dit aussi que, de l’autre côté, commence le labyrinthe où on ne peut faire autrement que de s’engager. Il est toujours plus lumineux à mesure qu’on en explore les ramifications, mais il n’y survient jamais aucun événement et toutes les sources d’inspiration trop visibles ont été soigneusement balayées ; si on n’y souffre pas de la faim ni de la soif, on n’y trouve rien à écrire. Pourtant, il faut bien tenir à jour le calendrier, alimenter les libellés, faire disparaître la page d’hier.

Alors on continue.


Photo : Catherine Goux