Préambule

J'aime bien inspirer des auteurs, susciter des débats, lancer des idées, partager des sujets. Comme j'ai pris l'habitude de le faire régulièrement, mon blog, tout en étant le même, ne me ressemblait plus vraiment. Les invités s'accumulaient, on ne voyait plus le papier peint ; j'ai donc décidé de faire de la place et de les coller au plafond.

Pour commencer, la rubrique Blogs et... va se poursuivre ici.
(Les anciens messages et la plupart de leurs commentaires ont été transférés ici)

Bienvenus et merci à tous les participants

jeudi 18 décembre 2008

Blog et corps

[Contribution d'Olympe]

Lorsque Zoridae m’a proposé d’écrire un texte sur son blog j’ai dit oui sans réfléchir pensant que passer de mon plafond de verre (c’est le titre de mon blog) au sien, plein d’araignées, ne pourrait que me faire du bien.

Mais je suis restée sans voix lorsqu’elle m’a donné le thème « Blog et corps ». Elle ne s’en est pas aperçue bien sûr puisque de blog à blog on n’entend pas les gens crier ou rire ou rester silencieux.

« Blog et cerveau « m’aurait bien davantage inspirée et j’aurais facilement pu écrire plusieurs pages parce que bloguer est une activité éminemment cérébrale. Il serait intéressant par exemple de connaître les parties du cerveau mobilisées par cette activité : l’hémisphère gauche, celui qui est rationnel ou le droit celui qui est intuitif ? le préfrontal intellectuel ou le limbique émotionnel ? Pour savoir cela il suffirait de placer la tête d’un blogueur (en train de bloguer) dans une machine et d’observer sur un écran les zones qui changent de couleur. Je ne suis pas certaine qu’il y aurait beaucoup de volontaires pour faire avancer la science sur un sujet aussi futile. C’est dommage ça permettrait de savoir si les blogueurs doivent ou non être pris au sérieux. Imaginez que l’on s’aperçoive qu’ils utilisent les circuits de la récompense les mêmes que ceux que l’on voit devenir rouges sur l’écran lorsqu’un rat appuie sur une pédale de manière frénétique pour obtenir des doses de cocaïne, on en conclurait que bloguer n’est qu’une addiction. Imaginez, qu’au contraire les neurones qui s’agitent soient ceux qui engendrent l’action et la révolte. Il y aurait là de quoi justifier pour un gouvernement soucieux de son avenir la mise en place d’une surveillance.

Mais « Blog et corps » ? Y a-t-il une autre activité, aussi intense, qui fasse aussi peu intervenir le corps ? Je suis assise devant mon ordinateur et seuls mes doigts (et encore pas tous) et mes yeux sont en mouvement. Certes ma gorge déglutit, mon cœur bat, mes poumons respirent et mon repas finit de se digérer mais tout cela est habituel et sans aucun rapport avec le blog.

Je sens bien que ma chaise est un peur dure et mon dos commence à me le faire savoir, que mes yeux fatiguent à ne voir que des pixels et les picotements que je sens quelquefois dans les doigts sont peut être le signe d’une augmentation de la pression dans mon canal carpien.

Pas de quoi en écrire un texte.

Zoridae, qui connaît mon blog m’a donné une piste « tu pourras parler de la différence de sexe ». C’est une piste, mais le corps ce n’est quand même pas que le sexe.

J’ai donc passé du temps à surfer, frénétiquement moi aussi, avec en tête une question « quels rapports ont ces blogs avec le corps ? », « que me disent-ils sur le corps de leur propriétaire ? sur le mien ? ».

Cela n’a pas arrangé mon canal carpien .

Première constatation, le blog ne dit pas grand chose sur le corps de celui ou celle qui l’écrit. Hormis si il s’intitule « blog d’une ronde » et même si la page d’accueil montre une photo, rien ne me dit que ce n’est pas celle du voisin ou de la voisine.

J’ai longtemps cru par exemple que « de tout et de rien… » était le blog d’une femme, je l’avais même linké à ce titre, au seul motif que j’y voyais une bannière « blog de meufs ». Quand j’ai compris qu’il s’agissait d’un homme je me suis sentie trahie, mais je me suis surtout interrogée. Comment ai-je pu être aussi facilement abusée ? En y regardant bien le seul indice que je n’avais pas vu est d’ordre grammatical. Gaël parle de lui au masculin .

J’ai regardé les blogs qui parlent de sexe (moi qui, je le jure, n’ai jamais acheté Play boy ou Play girl) et je dois dire que ceux qui sont écrits par des femmes (ou qui se présentent comme tels puisque je ne sais pas qui les écrit) m’ont…intéressée. Mais lorsqu’ils s’égarent dans la description d’ébats récents comment faire la différence entre de vrais ébats et des fantasmes ? pour le lecteur il n’y en a pas. Si ça se trouve il n’y pas non plus de différence pour l’écrivain(e). En tout cas, j’ai bien senti quelques augmentations de pression ailleurs que dans mon canal carpien.

Au final, j’en suis revenue à mon idée de départ : tout passe par le cerveau. Il y a à l’intérieur ce que les scientifique ont appelé des neurones miroirs. Ils reproduisent virtuellement ce que l’on observe chez l’autre. Si l’autre est triste nos neurones tristes s’agitent cela s’appelle l’empathie, si on regarde quelqu’un jouer au tennis comme un dieu ou une déesse notre cerveau refait virtuellement les gestes et notre revers s’améliore sans que nous n’ayons rien de plus à faire.

Grâce à Zoridae j’ai découvert, qu’ils fonctionnent également à la seule lecture d’un blog mais ce sont des émotions qu'ils génèrent : je ressens de la colère ou au contraire de l'optimisme à la lecture de certaines informations, de la compassion pour certains qui parlent d'eux. Et les émotions, mais c'est bien sûr, elles mettent en jeu le corps non ? Oui, mais les viscères surtout.

Il reste une expérience à tenter. Un blog dont l'auteur(e) se mettrait en scène plutôt que d'écrire, pas pour parler non mais pour montrer comment elle fait du sport, comment il ou elle embrasse, comment il travaille, comment il prend sa douche, comment elle blogue..

Bon, à propos, mon canal carpien va très bien...de toute façon vous ne pouvez pas savoir si c'est vrai ou faux.

mercredi 10 décembre 2008

La valse du pantin

[Contribution de Dorham]

Je suis un marchand de sable sans sable. Un citron sans pulpe. Une pizza sans anchois. Une coquille vide. Comme vous le sentez, je m’en fous. Mais je préfère me servir moi-même. Je suis mon propre maton, je suis ce genre de benêt qui sort d’une boite de nuit et qui laisse tomber ses clés dans une grille de caniveau. Je suis tout nu et je fais croire à tous que je suis habillé. Ça marche bien, je suis un magicien de pacotille.

J’ai un chapelet mettons, un chapelet d’images, de trucs abscons mais qui sonnent bien. A chaque bille, je dépose une gerbe alambiquée ; point de recueillement. C’est bien. En apparence, c’est Paris sous les bombes. Je suis en redingote, j’ai des favoris, certainement pas de moustache – tu rigoles – et je me bouche les deux oreilles avec les index. M’échoit donc la responsabilité de pondre un billet sur blog et âme. Comme s’il s’agissait de deux choses parfaitement compatibles. De deux choses parfaitement corrélatives. Comme si tous, ici, nous disposions d’une âme, enfin, je veux dire : une âme visible, ostentatoire. Je suis bien élevé (malgré le retard), je presse donc mon citron et recueille un petit jus rachitique et saumâtre. Je ferme les yeux, passe entre mes doigts une bille du chapelet et tout le monde aura l’impression que c’est un litre de jus de pamplemousse rose de Floride. Si je la joue même finement, je pourrais raconter l’histoire fabuleuse du vieux mafioso sicilien qui tient l’entreprise familiale d’une main de fer. Intrigues, baises bidons et homicides à tous les étages. Et on aura tourné (même pas à vrai dire) autour du sujet, comme une vieille Visa rouillée qui cherche son chemin au rond point de la genèse d’une Ville Nouvelle. Dans un premier temps, c’est ce que j’ai fait. Avant de tout foutre à la poubelle de mon bureau pixellisé (à la corbeille, devrait-on dire !). Pourtant, en cet instant même, je vois bien que c’est plus fort que moi, que je recommence.

J’ai des fantasmes. Comme tout le monde. Des aspirations de merdaillon. Je rêve d’épure. De dépouiller le langage de toute cette bile qui le rend si gluant, si flou, si plein d’abcès. Adjectifs ? Aux chiottes ! Familiarités ? Grossièretés pseudo-couillues ? Aux chiottes ! Métaphores effilées ? Comparaisons vaseuses ? Aux chiottes itou. Et je tire la chasse sans un gramme de remords. Et déjà, en relisant le début de ce texte, je m’aperçois que j’ai de nouveau échoué. Piteusement.

Pourtant, je n’ai pas envie de prendre le truc par-dessus la jambe. Pas envie de faire le mariole. J’aspire comme tous les autres à toutes les conneries « zen » possibles. J’aspire au statut de bonzaï figé, bien taillé, discipliné. J’aspire à écluser le restant de mes jours à ratisser avec un outil minuscule un tapis de petits cailloux, enfermé dans un cerclage. Comme dans ces bureaux tout en velours de psys, tandis qu’on déblatère sur soi, Maman, la femme qui nous a laissé choir, les mômes qui nous pourrissent l’existence et nous distendent les nerfs. Je ratisse en tourbillon. Pas de citron, pas de pulpe. Pas de feinte.

J’aimerais avoir la possibilité d’appeler un chat un chat. Comme tout un chacun. Mais le blog n’aime pas l’épure. Le lecteur ne l’aime pas non plus. La faute à la lecture sur écran sans doute ou peut-être comme le pensent certains parce que l’endroit n’est pas fait pour être sérieux. Concis. Précis. On doit y balancer toutes ses billes, même celles qui sont ébréchées (purée !), tout bazarder sur le bitume pour envahir celles des autres et rafler l’intégralité de la mise. Alors, l’âme. Déjà qu’on mélange tout. L’âme, le moi, le caractère, les sentiments. Dans le même bouillon puant (pffff). L’âme, c’est tout nu, va ! L’âme, elle n’est pas de gauche, pas de droite, elle n’est d’ailleurs ni gauche ni droite. Elle est. Elle n’appartient pas aux cathos, aux musulmans, aux juifs ou à tous les autres fondus recroquevillés qui nous pompent l’air toute l’année avec leurs conneries d’Armageddon sélectif. Elle est. Elle ne permet pas d’inclure, ni même d’exclure, elle ne supporte l’exigüité d’aucune case. Elle est. Elle n’est pas un schmilblick, ou une merde de bibelot dans un kaléidoscope, pas une devinette. Elle ne se saisit pas, ne se comprend pas, ne s’entreprend pas. Elle est. Et il me faudrait me contenter d’un faux jus de pamplemousse pour exprimer tout ça ? Parfois, je me dis qu’il est grand temps que je devienne enfin adulte. Le hic, c’est que pour l’être, je sais pertinemment ce qu’il me faudrait faire. Et je l’ai fait – sous forme de catharsis (trouillard) – il y a quelque temps sans que (presque) quiconque ne le sache. Et j’ai continué ; ce qui en dit long sur ma toute-puissance catatonique. J’ai à peine fantasmé. Le local à poubelles. Une vieille poêle déglinguée. Le tour était joué. Ironie du sort, ce texte fut quelques jours plus tard choisi par un magazine papier pour son édition hebdomadaire. Un simulacre de décès en première page. Il vaut mieux en rire. Je n’accuse personne. Seulement moi en fait. Comme tout le monde, je presse mon jus de citron, je fais valser mes quilles. Je suis plein de compromissions, et elles sont toutes conscientes.

Au lieu de me revendiquer une âme, je pratique sans cesse la mauvaise pâte à modeler du moi.

Photo : http://www.silicate-photos.com/article-5249846.html

mercredi 3 décembre 2008

Oh Marie ! Une femme en dit

[Contribution de justmarieD]

Je suis entrée en blogomania comme d’autres s’inscrivent à la gym ou au tennis. Au début c’est une adepte de ce sport qui m’en a parlé ou plutôt qui a parlé de mes produits, j’étais alors en pleine création d’entreprise, en phase ascendante. Elle m’avait repérée lors d’une remise de prix sur une scène parisienne. Je souris aujourd’hui de me dire qu’elle s’était peut-être dit : « je le tiens mon sujet de demain, yesss ». Si j’étais alors loin de la sphère j’avais quand même des alertes Google sur le nom de mes produits et là, surprise, une inconnue vous offre des fleurs. Je découvre alors cet univers qui me paraît aussitôt fantastique, où chacun prend la parole, publie ce qui lui chante sous l’œil bienveillant de commentateurs plein d’admiration et apparemment tous potes ! Sans le savoir je venais d’attraper le virus !

Un premier blog triste, compliqué, conventionnel, contingenté, conflictuel : et oui plutôt que de parler d’accessoires pour fauteuils roulants je parlais « du bruit des pas » et ce n’était pas de l’avis de tout le monde et surtout pas de ceux pour qui la blogosphère peut prendre des allures de journal intime public, quelle horreur … moi j’étais prête à sortir âme et tripes comme on déballerait un cadeau étonnant d’un vieux kraft froissé !

Et puis, un jour de destin, un ami qui me veut du bien me demande de créer un blog pour alimenter une plateforme de blogs sur site dédié au handicap « mais si Marie tu as sûrement plein de choses à dire, une expérience à partager », j’attrape la balle au bond, relève le défi comme on entre en croisade, faire bouger les choses ou au moins y contribuer dans ce secteur moyen-âgeux du handicap ? Chiche 

Blog baptisé à la hâte, un petit jeu de mots qui me conduit à un pluriel déjà bien révélateur : « Les femmes en disent » où comment laisser sa peau d’âme plantée devant l’écran quand l’esprit lui est ailleurs, parti en vadrouille. Je deviens une inconditionnelle de ces libertés de pensées, c’est comme s’il y avait à portée de clic une autre dimension, des vies en mots dénuées du poids des corps. Alors soudain je raconte ma vie sous un certain nombre de casquettes, autoproclamée poule à facettes, tantôt mère, épouse, femme ou travailleuse, militante, insoumise, tantôt petite fille ou déjà vieille, tantôt faible, forte, fragile, éphémère, éternelle.

Je découvre chez d’autres taxés de moins capables, condamnés au dysfonctionnement des corps, parfois un hurlement « Je voudrais vous hurler mes quarante ans de silence » chez moi-je, femme mutique à qui la technologie donne la parole, d’autres suppliciés charnels qui écrivent leurs bonheurs simples et leur joie de vivre, leurs colères, leurs combats. Alors la magie opère et la solitude devient un mot incongru et désuet, à la limite du ridicule. Somme-nous seuls devant nos écrans ? Sommes-nous seulement encore devant nos écrans ou nos âmes dématérialisées partent-elles en voyage dans cette incroyable sphère ou le 1 et le zéro ont donné naissance à un outil fondamental de partage et de connaissance de soi et de l’autre : la communication ?

Blog et handicap au plafond ? Sujet peau de banane ! C’est malin il ne manquerait plus que je me casse la figure ! Je relis les articles précédents, me retrouve un peu en chacun d’eux, peut-on réellement écrire un article sur ce sujet ? D’accord mon blog me permet d’exprimer ma facette créative, écrire quel bonheur, je me souviens de cette année au lycée, la première atteinte aux mains et mon angoisse soudaine : et si un jour je ne pouvais plus écrire ? Aujourd’hui je sais qu’écrire est une chose que l’on peut faire du bout des cils. Je pourrais peut-être simplement dire qu’on en sort peut-être pas indemne de ces blogs là car souvent ils tapent dur, un peu comme si le handicap venait exacerber les contrastes, forcer les couleurs et les sentiments. Qu’est-ce qu’on lit dans ces blogs écrits par des personnes qui se savent handicapées : amour, gloire et beauté ? Poésie, récits, témoignages ? Le tout écrit avec plus ou moins d’amour, de talent ou d’humour ? Ben oui, comme partout ailleurs non ?

Et si en fait nous étions tous handicapés ?

Oui voilà ! On pourrait alors faire un buzz pour annoncer la bonne nouvelle, Balmeyer serait le nouveau messie j’ai décidé, il me plaît bien ce Balmeyer, il a un petit grain de folie juste ce qu’il faut pour être convaincant. Et alors la dichotomie handicapé vs valide disparaîtrait, on ferait la fête jusqu’aux petites heures d’une aube nouvelle, l’alcool et ses effets aidant les plus valides de cette assemblée de personnes handicapées à comprendre l’illusion de la validité des corps et des esprits.

Comme on serait heureux on s’endormirait, ça serait bien.


Découvrez Francis Cabrel!



Peinture : Marie par Georgik