Préambule

J'aime bien inspirer des auteurs, susciter des débats, lancer des idées, partager des sujets. Comme j'ai pris l'habitude de le faire régulièrement, mon blog, tout en étant le même, ne me ressemblait plus vraiment. Les invités s'accumulaient, on ne voyait plus le papier peint ; j'ai donc décidé de faire de la place et de les coller au plafond.

Pour commencer, la rubrique Blogs et... va se poursuivre ici.
(Les anciens messages et la plupart de leurs commentaires ont été transférés ici)

Bienvenus et merci à tous les participants

mercredi 29 octobre 2008

La loi du milieu

[Contribution d'Eric Mainville]

Il existe une Loi dans le petit milieu des blogueurs. Cette loi est tacite, mais infrangible, inviolable, à moins d'y laisser sa peau.
Cette loi tient en une phrase: un blogueur ne critique pas un autre blogueur.

C'est la vérité. On croit souvent que les blogueurs sont des individus irascibles qui passent leur temps à râler contre tout et, hélas, à l'écrire sur leur blog. Mais ce qu'on oublie c'est que les blogueurs ne se critiquent jamais entre eux. C'est la loi du milieu.

Vous me direz, c'est pareil dans toutes les communautés, toutes les corporations.
Un footballeur ne critique jamais un confrère, car il sait qu'un jour où l'autre il peut être transféré dans le même club que lui. Et, alors, il lui faudra rendre des comptes. Ou bien il affrontera lors d'un match le joueur qu'il a critiqué, et dans ce cas, bonjour les représailles au niveau des protèges-tibias.
Même chose chez les écrivains: ils se méprisent entre eux, mais pas un n'aurait l'idée stupide de l'avouer dans le Magazine littéraire. Dans les salles des profs, c'est pareil: tout le monde s'aime...

La seule différence, c'est que les blogueurs sont plus nombreux.
Et cette différence est énorme.
C'est ce qui transforme la blogosphère en immense jeu de big brother. Critiquer quelqu'un, c'est s'exposer à être critiqué par d'autres, puisque tout le monde peut nous voir.
La loi du milieu, "un blogueur ne critique pas un autre blogueur", s'explique par la structure même des blogs.

Je repèrerai deux phénomènes (il y en a d'autres).
Il y a d'abord ce qu'on pourrait appeler l'effet technorati. Connu dans le domaine de la publicité sous l'appellation "bad publicity is publicity". Critiquer quelqu'un, c'est lui faire de la pub. Dans le cas des blogs, pour critiquer, il faut citer. Cette citation est comptabilisée par les moteurs de recherche, et notamment par technorati, le moteur de recherche des blogs. Une critique égale un vote. Voilà pourquoi les blogueurs y réfléchissent à deux fois avant de rentrer dans le lard d'un confrère.
Il s'ensuit que la pire critique, pour un blogueur, est d'ignorer. Ignorer superbement le moucheron qui vous tourne autour et cherche à vous faire réagir en vous critiquant. Ignorer aussi les flatteurs...

Le deuxième phénomène qui explique que les blogueurs critiquent rarement leurs semblables est ce qu'on peut appeler la force virale des trolls.
Critiquer quelqu'un, c'est mettre le doigt dans un engrenage. Une critique appelle une réponse, voire deux, trois, dix réponses. On croyait envoyer un message à un importun, on s'aperçoit qu'on a tapé dans une fourmilière. On a réveillé un réseau, alerté un essaim de trolls, déclenché une "blog war".

Je me souviens, récemment, d'un blogueur qui avait eu l'idée, stupide et suicidaire, d'attaquer frontalement un blogueur politique influent. Le présomptueux était allé jusqu'à poursuivre son adversaire sur son propre blog.
Sachant que ce dernier charrie derrière lui une tripotée de trolls plus véhéments les uns que les autres, l'issue du combat était prévisible. L'assaillant fut submergé, noyé sous un flot de commentaires tels qu'il dut hisser le drapeau blanc. Il rentra sur son blog la tête basse et décida de ne plus parler de politique nationale. Trop dangereux!

Personnellement, il m'arrive de regretter l'existence de cette loi du milieu propre aux blogs. Mais, va, c'est la vie! Chacun a la mafia qu'il mérite...

mercredi 22 octobre 2008

Une araignée (et ses invités) au plafond

J'aime bien inspirer des auteurs, susciter des débats, lancer des idées, partager des sujets. Comme j'ai pris l'habitude de le faire régulièrement, mon blog, tout en étant le même, ne me ressemblait plus vraiment. Les invités s'accumulaient, on ne voyait plus le papier peint ; j'ai donc décidé de faire de la place et de les coller au plafond.

Pour commencer, la rubrique Blogs et... va se poursuivre ici. Et dès que j'aurai un peu de temps je collerais les articles précédents, je ne sais dans quel ordre...

Bienvenus et merci à tous les participants

Blog et Vie Privée

[Contribution de Nefisa]

Il y a quelques temps déjà, Zoridae m'adressait un mail commençant par ces mots:

"Bonjour ordure,"

Cela montre qu'elle me connaît suffisamment pour savoir que je suis très à cheval sur l'utilisation d'une formule de politesse en début et en fin de correspondance.

D'ailleurs, avec la constance qui la caractérise, elle concluait le mail par :

"Bonsoir prout."

Preuve s'il en est qu'elle ne discerne pas si bien que ça les multiples facettes de ma personnalité. Je ne pète pas moi. Madame.

Le contenu de sa missive m'apprenait qu'à la suite du tri de milliers de candidatures et de longues délibérations, je faisais partie des heureux finalistes du grand concours : "Ecrivez sur le blog de Zoridae à sa place."
Je ne vous cache pas que je trouve ceci d'une flemmardise aberrante, mais comme c'est une copine, je n'ai pas refusé. J'aurais pu, quand on voit qu'en plus elle impose le sujet.

Blog et Vie Privée.

Me v'la bien lottie. J'aurais aimé avoir blog et immigration, blog et tronçonneuse (elle m'a aussi imposé ce mot là), ben non. Blog et vie privée! dans les dents.

Bon gré, mal gré je m'y suis collée.

Paraît que lorsqu'on écrit un texte argumentatif de ce genre on commence par une accroche, ça c'est fait, vient ensuite une présentation du sujet, ça aussi c'est bâclé, et enfin on définit les termes du sujet et on restreint à une problématique. Tiens, ça me rappelle la glose que je me farcissais en droit.

Un blog : ça ne se mange pas. C'est un enchevêtrement de pixels sur votre écran d'ordinateur, ça raconte des trucs avec des lettres, des images, du son. C'est issu des cerveaux d'un aréopage de représentants de l'espèce humaine et animale.

-- Aparté --
A propos de cette dernière phrase, d'aucuns s'étonneront, peu d'animaux en effet maîtrisent l'utilisation de l'Internet. Cependant, je n'exclue pas que certains chiens bloguent pour leur maîtres, ça expliquerait beaucoup de choses, comme les skyblogs par exemple, où des chiens battus se foutraient ouvertement de la gueule de leur maîtres en créant des blogs affligeants à leur noms. Et des koalas bloguent aussi, sinon comment justifier cette recrudescence de photos de marsupiaux mignons sur le net, c'est une conspiration koalesque ). Bon, on s'en fout en fait.

-- Fin de l'aparté --

Passons à vie privée. C'est tout ce qui n'est pas public. En fait, réfléchissons un peu : C'est tout ce que vous ne souhaitez pas voir rendu public. Conséquemment, dès l'instant où vous divulguez volontairement des informations sur vous (l'heure à laquelle vous allez au toilettes, votre dernière visite chez le vétérinaire, une photo de votre cellulite ) ces informations font partie de votre vie publique.
Je ne traiterais donc pas de la manière de gérer l'étalage de sa vie privée sur un blog, puisque je viens de démontrer que ça n'était pas le cas. (en fait il y a beaucoup à dire sur l'étalage de sa vie tout court sur le net et comment le gérer, mais ce n'est pas le sujet, vous pouvez aller lire là, ça couvre le sujet )
Il reste dans la problématique Blog et vie privée, la vie privée de ceux qui vous entourent. Par exemple si la Yaya apprenait le français et venait lire mon blog, je suis sûre qu'elle serait loin d'être ravie, elle me foutrait dehors à coup de balai et j'en serais réduite à dormir dans le poulailler et à tuer les chats pour me faire une couverture de leur fourrure. Et si un jour le fils de Zoridae lit le blog de son père, il risque de ne plus jamais oser sortir de peur de se faire lapider. Là encore il y aurait beaucoup à dire mais ça ne m'intéresse absolument pas de développer.

-- Aparté --
On comprendra maintenant aisément pourquoi je n'ai pas fait de longues études, vous me voyez sortir à mon directeur de thèse : Oui, bon, là sur l'évolution du marché des yaks au Turkménistan et son influence sur la courbe des prix du pétrole en Thaïlande, il y avait beaucoup à dire, mais j'ai eu la flemme alors j'ai mis une photo de koala à la place, c'est mignon." Non, sérieusement, ça ne se fait pas.


-- Fin de l' aparté --

Bon ce qui fait que je me retrouve avec rien. Je viens de vider de son sens la problématique blog et vie privée.
Peut être qu'en la retournant j'en extrairais une petite goutte. A tiens oui, ça fait vie privée et blog. Voilà qui nous fait voir les choses sous un autre angle.
Un carnetiste (ça vient d'entrer dans le dictionnaire, autant l'utiliser au moins une fois) a une vie à côté du blog, à moins d'être un nerd fini - pardon, un geek, parlons français. - qui passe sa vie devant son ordinateur à bouffer des chips et regarde des épisodes de Buffy et Xéna entre deux billets sur le dernier navigateur à la mode.
Le carnetiste a un partenaire, des parents, des gniards, un boulot, des loisirs et des rendez-vous chez l'oculiste. Oui ! au moins tout ça. D'ailleurs c'est une parade de blogowar, ça revient tout le temps, dès qu'on est à court d'argument : "j'ai une vie moi, je ne pense pas qu'au blog, vous êtes tous des décérébrés, je suis la meilleure ! point barre ! " (oui c'est un argument de filles surtout) .

Or blogger prends du temps, au moins si on engage pas des nègres comme le fait Zoridae, ou même Jegoun que je soupçonne de payer ses compagnons de débauche pour pondre des billets à sa place, c'est pas possible un tel débit.
Il faut avoir une idée de billet, trouver le ton, développer le contenu, trouver les vannes ou le mot juste qui fera continuer le lecteur (je parle de bloggeurs qui savent faire des phrases, pas de skybloggeurs entendons nous bien), il faut prendre soin de ses listes de liens, de la déco du blog, poser des commentaires chez les voisins, répondre aux siens, bloguer, (tiens, ils n'ont pas mis carnetiser dans le dictionnaire, que faut-il dire ? ) surveiller les statistiques et les classements pour savoir si on est célèbre et z'influent (quand on veut l'être, c'est pas obligé non plus, mais ça ajoute un peu de piment).
Bref, une activité chronophage comme on les aime. Or tout le monde ne tartine pas sa page au boulot, je vous assure ! On peut donc s'interroger sur la répartition du temps d 'ordinateur chez les couples. Et les petits désagréments inhérents à la tenue d'un blog :
"Chéri, j'ai envie de toi, maintenant, tout de suite sur la machine à laver !"
" Pas maintenant poulette, j'écris un super billet sur comment j'ai marché dans une crotte ce matin."
"Bon, Chéri, je te quitte."
" Oui, oui, attends, je réponds à un commentaire de bisounours43."

En plus du temps effectif passé à bloguer. Il y a le temps passé à en parler qui peut avoir des conséquences désastreuses sur la vie privée.

"Comment ça va aujourd'hui"
"Ben t'as pas lu mon blog?"
" Ton quoi ?"
"Mon blog, tu lis pas mon blog ? je te retire de mes contacts msn, @+"
"Je suis en face de toi, blaireau "

ou

" Ah tiens hier sur mon blog j'ai eu un troll, j'ai trouvé son IP, mais il en a changé avec Tor, j'ai envoyé un mail à mon hébergeur mais ils ne peuvent rien faire. "
"..."
"Je vais sûrement changer de plateforme et d'URL mais je n'arrive pas trouver comment exporter mes archives en FTP. "
" Bon , euh c'était sympa de te revoir, mais je crois que j'ai laissé mon hamster dans le micro ondes, à la prochaine"

Oui forcément, vous êtes dans votre petit monde, de quoi vite passer pour un taré nombriliste accroc au virtuel (demandez à ma sœur ) .

En plus de ces cafouillages sociaux, il y a le temps passé à penser à ce que vous allez écrire, et cette nouvelle vision du monde.

-- Aparté --

Pourquoi elle nous parle de pensée ? on s 'en fous, nous parlons de vie privée. Il se trouve qu'en ce qui me concerne, ce que je pense, mes opinions diverses et mes questionnements profonds, c'est ce que je définis comme ma vie privée, justement les choses que je ne mettrais pas facilement sur mon blog.

-- Fin de l'aparté --

"Oh un chat, je pourrais raconter sur mon blog qu'aujourd'hui j'ai vu un chat et oh tiens, la voisine et si je racontais que j'ai vu la voisine et oh la voisine tape le chat je pourrais dire que la voisine est une...oh un type aveugle je vais pouvoir sortir ma blague sur l'aveugle qui rentre dans un...."

Bref... tout de suite votre vision de la vie et la gestion de vos actions prennent un tour différent. On peut voir le côté positif de la chose : Si vous ne le faisiez pas avant, vous allez visiter des expos, aller au cinéma et voir des concerts pour ne pas passer pour un bulot devant votre lectorat. Désormais si vous voyez un type qui se noie, vous plongerez à son secours en pensant à comment vous allez tourner ça sur votre blog ce soir en soignant votre pneumonie. Sans blog, vous l'auriez regardé se noyer et au mieux vous auriez témoigné pour le journaliste stagiaire du canard local : "C'était horrible, il y avait de l'eau partout" rapporte Monsieur Nicolas J, 42 ans, témoin du drame.

J'avais lu il y a quelques années de ça, lors de la grande vague d'ouverture de blogs, qu'une telle activité modifiait le mode de fonctionnement du cerveau, comme si une case "blog" s'y inscrivait au détriment d'autres fonctions (il y a des gens qui ont payé pour faire une étude sur le cerveau des bloggeurs. rien que pour ça j'en étais restée sur le cul).
Traduction : bloguer vous fait penser différemment.
Re-traduction : maintenant pendant vos périodes de vacuité spirituelle, genre sur le trône au petit matin, dans le bus ou pendant une réunion chiante, vous ne pensez plus à ce qu'il va bien pouvoir se passer dans le prochain épisode de Sous le soleil, mais plutôt à ce que vous allez bien pouvoir raconter, et vous voilà à pondérer sur le sens de votre vie et ce que vous avez bien pu retirer de votre journée. C'est dire à quel point c'est dramatique, vous auriez pu gloser à l'infini sur la prise de poids de la présentatrice du journal TV à la place.

Que dire ? Vous vivez blog, parlez blog, mangez blog ? Avez vous besoin d'être enfermé ? Est-ce que comme l'alcoolisme ou la zoophilie votre obsession a des conséquences irréversibles sur votre vie privée ? C'était là le sujet, au cas où vous n'auriez pas encore pigé, mais je sais que tous les lecteurs de Zoridae sont beaux et intelligents, (me tapez pas dans les commentaires, je viens de vous faire des compliments, tudieu ! ) Bien sûr il faut savoir tenir votre langue en société, a moins qu'elle ne soit constituée que de blogueurs, votre tablée de restaurant se fout de vos statistiques comme de leur première cuite. En général, vos parents sont très fiers de votre blog et vos enfants s'en contrefichent, pendant que vous bloguez ils jouent sur la playstation au lieu de faire leur devoirs.

On fait quoi en conclusion déjà ? ah oui résumé, machinchose, ouverture. Et que personne ne me fasse remarquer que j'ai zappé le corps de la dissertation ou je mords.
Bloguer influe sur votre vie privée. Pourquoi ? parce que c'est une activité (ce qui veut dire que vous êtes actif pas passif et que vos petits neurones s'agitent lorsque vous bloguez). A tout prendre, je préfère passer trois heures devant mon ordi à déconner sur mon blog et ceux des autres, finir par rencontrer d'autres blogueurs, manger des épinards avec eux et enrichir ma vie de connaissances, de belles collaborations et des moments de pure marrade que de passer trois heures à faire de la cellulite sur mon canapé en matant le 20 heures de TF1 et Plus belle la vie.

Pour ceux qui ont sauté tout depuis le premier paragraphe je vais résumer en une phrase. Le blog n'est pas qu'une fenêtre ouverte sur votre jardin secret, c'est aussi une activité influent sur votre comportement général et votre manière de vivre et d'intéragir avec votre entourage. Pas forcément de manière négative d'ailleurs.

J'ai fait hors sujet. 2/20
Mes hommages.

mardi 7 octobre 2008

SPLENDEURS ET MISÈRES DES BLOGUEURS

[Contribution de Didier Goux]

SPLENDEURS ET MISÈRES DES BLOGUEURS

Ou Nous sommes tous des déshonorés de Balzac


L’écran du blogueur n’est pas la page blanche de l’écrivain. La page de l’écrivain est vierge et vide à la fois, même lorsque l’écrivain travaille sur ordinateur. Alors que, derrière l’écran du blogueur, parfois même dedans, ça grouille, ça se contorsionne, ça ricane ; parfois aussi ça encourage, ça flatte, ça louange ; il arrive même que ça sourie. Bref, il y a du monde, et c’est ce qui fait qu’un blogueur ne peut être écrivain, alors qu’un écrivain peut parfaitement tenir un blog si cela lui chante ; c’est injuste, mais c’est ainsi.

L’écrivain est seul, c’est ce qui fait sa grandeur, et aussi ce qui, le plus souvent, le précipite aux enfers de l’impuissance. Il est à la fois le juge unique et l’unique condamné ; il prononce la peine et l’exécute d’un même mouvement ; dans la salle d’audience déserte, il se dédouble afin de pouvoir simultanément occuper le box et siéger au bureau des juges.

Pendant ce temps, l’homme-au-blog est au centre de la piste et fait claquer le fouet du dompteur pour impressionner les adultes, affublé d’un nez rouge dans l’espoir de rameuter aussi leurs enfants ; il est en représentation. La solitude indispensable à l’écrivain, constitutive de lui-même, il l’ignore, la craint, la repousse. Le blogueur veut la foule, et surtout une foule en quelque sorte divisée contre elle-même, tel le Satan des Évangiles. Car les silhouettes sans visage qui parsèment les gradins du cirque sont ses commentateurs toujours prêts à se plier docilement à la louange ou à l’invective selon la demande qui leur est faite par le dompteur ; mais ils sont aussi des blogueurs concurrents.

Si bien que, dans un même mouvement, ils font offrande à l’homme-au-blog d’un nouveau public, tout en cherchant insidieusement à lui siphonner celui qu’il a déjà et qu’il pense avoir définitivement conquis. Ils sont ses « modèles-obstacles », au sens que René Girard donne à cette expression, ceux qui l’exhortent à se prendre pour un écrivain, et l’empêchent par là même de le devenir jamais. Double bind.

L’homme-au-blog, tournant sans fin autour de la piste, deviendra peut-être un fort habile jongleur ; s’il met assez bas le prix du ticket d’accès, il fera sans doute chapiteau comble tous les soirs. Il y aura des ris et des clameurs d’enthousiasme sous la toile, des rafales d’applaudissements et quelques huées.

Mais il ne sera jamais écrivain, même s’il devient imbattable dans l’art d’en enfiler le costume avec drôlerie et célérité. L’écrivain est condamné à avoir au moins du talent et à le découvrir seul ; l’homme-au-blog a choisi d’avoir un public : pour en assurer la pitance journalière, il ne peut rien d’autre que bidouiller de petits sketchs plus ou moins scintillants, pour faire épanouir la rate du vulgaire. Et plus il jouera à l’écrivain, plus son nez rouge se verra, grossissant comme s’allonge celui de Pinocchio, et pour la même raison exactement.

La solitude sans faille de l’écrivain risque fort de l’abattre avant terme ; la cour de l’homme-au-blog le condamne à une représentation sans fin, au cirque éternel. Et le ver rongera sa peau comme un remords.

jeudi 2 octobre 2008

Bloguer au travail 2/2

[Contribution de Gaël]



« Ça a commencé insidieusement. Tous les matins je fais une revue de presse pour le boulot. Je bosse dans un domaine très en vogue aussi bien auprès du législateur que des industriels et du grand public. Alors, forcément, il faut bien se tenir au courant. Et puis, il n'y a rien de tel quand on bosse en bas d'une grosse pyramide que de s'informer par soi-même, parce que les infos elles semblent bien aimer l'air en altitude, elles ont du mal à redescendre... Mais bon, là n'est pas votre question...


Je faisais donc ma revue de presse tous les matins : presse régionale, nationale, alertes google sur des mots clés, liens en favoris, etc... Dans ces favoris j'avais aussi glissé quelques sites de copains, dont Nicolas (pas P. ! ni S. d'ailleurs...) que j'avais perdu de vue dans la vraie vie depuis un p'tit bout d' temps. Et puis, Nicolas a ouvert ses blogs, que j'ai aussitôt ajouté à mes favoris, vous pensez bien ! J'ai commencé par suivre assidûment Partageons mes âneries, me foutant royalement de son avis et de son reste ! J'y suis venu après... Lire les compte-rendus de Nicolas me faisait marrer, je lui laissais des commentaires, il me répondait (parfois gentiment...). Puis mes filles sont nées, j'ai envoyé des photos à Nicolas et là : Paf ! 1 billet sur les pépettes ! Prune et Anna stars des blogs ! Moi fier comme pas deux j'envoie le lien à toute ma galaxie (comme le chante si bien Higelin) et Nicolas devient un z'influent au vu du nombre de visites records que je lui envoie (enfin je crois que c'est lié) ! « Agadez les filles sont déjà des stars » que je criais dans mes mails, et puis, là, une envie de blogguer m'a prise !

Puisque la famille était disséminée aux quatre coins de la France voire du monde pour certains, pourquoi ne pas ouvrir un blog familial pour informer tout le monde en temps réel des progrès des filles (qui seraient à n'en pas douter spectaculaires !) ? Encouragé en cela par Nicolas (« fainéant, pas encore ouvert ce blog ? » m'écrivait il régulièrement par mail) j'ouvrais donc le blog familial. Dans le même temps, le nombre de blogs consultés pendant la réalisation de ma revue de presse ne cessait d'augmenter? C'était surtout des blogs gravitant autour des PMA. J'osais à peine y commenter du bout des doigts, négligeant par là-même les conseils de blogage indispensables pour devenir un z'influent.

Pour alimenter mon blog familial, quand je n'avais pas eu le temps de le faire à la maison, je me permmettais d'uploader 2 ou 3 photos et d'ajouter quelques lignes de textes tout en faisant ma revue de presse, et hop ! À celle et ceux qui penseraient : « rhôôôô !!!! mais il pratique un loisir sur son lieu de travail ! » je répondrais simplement qu'un PC doit pouvoir faire plusieurs choses en même temps ! Quand on met des photos sur un blog, on n'est pas obligé de regarder la petite barre d'avancement... Rien ne vous empêche donc de continuer à bosser ! Faut pas laisser végéter un PC à faire du mono-tâche : après ça devient fainéant et ça ne veut rapidement plus rien foutre, c'est un peu comme un cerveau humain... Bloguer au boulot permet donc de s'ouvrir et d'exercer sa cervelle, en réfléchissant bien (dans mon sens surtout) c'est tout bénéf' pour votre employeur ! »

Bon, ma brillante démonstration ne semblait pas si brillante que ça pour le journaliste... D'autres blogueu(r) ses par contre voyaient très bien ce dont je parlais. Certains en étaient arrivés là par d'autres biais (réservation de voyage sur internet, consultation de la météo ou d'horoscopes, ...) : tout pouvait être prétexte à tomber sur un blog et à se voir inoculer le virus.

Sentant l'approbation de certain(e)s, j'embrayais : « Après, bloguer au travail ou à la maison, en fait l'endroit d'où l'on publie importe peu. Cette publication est en effet souvent une libération. On ne demande que rarement aux gens où ils font leur caca du matin. Alors laissez nous bloguer où l'on veut ! »

Bon l'exemple du caca était peut-être mal choisi... Plus personne en me parla de la soirée, et l'article ne fit aucune référence à mon blog... C'est pas comme ça que j'allais monter au wikio encore...

mercredi 1 octobre 2008

Bloguer au travail 1/2

[Contribution de Gaël]


"Asseyez-vous avec les autres, s'il-vous-plaît. "

Le ton avec lequel ce « les autres » avait été prononcé par l'hôtesse en disait long sur ce qu'elle pensait de nous, pauvres hères soupçonnés de profiter honteusement du système. Je me dirigeai donc vers le cercle de chaises sur lequel était installé un échantillon représentatif de ce que les médias considéraient comme les nouveaux parasites du monde du travail, rendez-vous compte, des blogueuses et des blogueurs qui assouvissaient leur bas instinct au boulot.

J'avais moi-même été contacté par mail par ce journaliste qui montait un dossier sur ce thème. Faut dire que parler de gens qui osaient utiliser leur temps de travail pour leur loisir faisait jaser et promettait de jolies ventes au prochain numéro de « l'Inquisiteur ». Drôle de nom pour un journal, non ? Ils avaient dû essayer de traduire « the Inquisitor » en français, me disais-je... Et puis pourquoi pas, après tout j'aime bien ces rencontres de blogueu(r)ses, ça permet de tisser des liens, échanger sur les buzz passés et à venir, enfin bref ça donne un peu de punch à son blog. Je m'étais donc décidé à y aller. En plus je rencontrerais peut-être de véritables stars de la blogosphère...

Je m'approchais donc du cercle de chaises. Je ne reconnaissais personne, un peu normal vu que la plupart des blogueu(r)ses tiennent avant tout à leur anonymat, surtout lorsqu'ils bloguent dans le cadre de leurs activités professionnelles... Affalé sur sa chaise comme s'il était sur une pouffe un jeune cadre dynamique consultait son y-phone avec volupté. Ça pinguait à tout va, signe qu'il devait recevoir des mails, des touittes et des attaques de loups-garous via fessebouc à tout-va. Sa voisine, droite comme un I sur son siège, attendait patiemment, faisant et défaisant sans cesse son point de croix. Le troisième larron ânonnait une étrange mélopée distillée dans son ses esgourdes par un astucieux stratagème qui avait transformé son chapeau melon en valquemane, comme on disait quand j'étais jeune. En m'approchant de mon siège, je reconnus avec stupéfaction du Prink Froyd, le morceau de 15 minutes 32 à Pompeii... Pouah ! Les autres étaient tous du même acabit, donc toutes et tous différents. Chacun était venu avec son petit univers à lui dans ses poches, mais semblait prêt à le partager avec quiconque se montrerait un tant soit peu intéressé... C'est un peu ça les blogs pour moi, c'est essayer d'apporter quelque chose de soi (ou bien qui te touche) à autrui, que cet autrui soit connu ou bien virtuel.

Enfin, la star de la soirée pénétra le cercle de chaise. Il eut un regard circulaire et s'assit à son tour sur une des chaises encore libres. « Bon, je pense qu'on est tous là, certains et certaines se sont désistés, je le en excuse, le climat est peu propice au genre de révélations que vous allez me faire ce soir. On serait plus dans une ère du « travailler plus... » que dans une société de loisirs que ça ne m'étonnerait pas (sourire)... ». Son introduction se voulait franche et directe. Peut-être pour nous mettre à l'aise. Mais à l'aise on l'était, la dernière phrase de son mail était claire : « anonymat garanti ».

Après deux ou trois intervenants, je n'avais écouté que d'une oreille distraite un chef d'entreprise web 2.0 à mort qui travaillait justement dans le milieu des blogs et qui donc bloguait au travail mais POUR son travail, je fus ensuite amusé par le témoignage de Nicolas P. qui avait exigé de témoigner depuis une autre salle et dont le boulot était de surveiller ce qui pouvait être dit par des sales gauchisses sur son patron, mon tour arriva !