
Je n’aime pas les villes tout simplement.
Tout y est trop grand, trop froid, trop anonyme.
Je m’y sens à l’étroit, j’y étouffe et j’ai besoin d’air pour vivre.
Ici, je suis plus dans mon élément.
J’ai passé ma journée à arpenter la forêt, à deviner ses mille bruissements mystérieux, à délimiter encore et encore les frontières fragiles de mon espace vital.
J’ai nourri mon paysage mental de ces couleurs multiples que la clarté modifie à longueur de journée et qui permet à toutes ces images intériorisées de ne pas s’abandonner dans la monotonie monochrome.
J’ai épuisé mon corps à grand renfort d’errances improbables, me perdant délibérément dans des détours pour ne pas retrouver mon chemin. J’ai malmené et violenté ce corps pour ce qu’il se sente enfin vivre.
Puis j’ai fini par rentrer.
A travers les carreaux de la fenêtre, j’ai fixé la montagne pour retracer les contours de cette escapade, prenant soin de ne rien noter pour ne rien défigurer.
Les bûches dans la cheminée rougeoyaient et le bois mort crépitait.
A regret, j’ai alors allumé mon ordinateur pour me reconnecter avec le vaste monde du dehors. Comme vous.
D’un simple clic de souris, j’ai rejoint ce carnaval virtuel mais pourtant bien vivant, qui se répète à l’infini, d’un blog à un autre.
Je ne me sens pas à mon aise dans la blogosphère mais j’y reviens toujours.
Je ne supporte pas ses codes de bienséance omniprésents.
Cette hypocrisie latente. Souvent.
Cette foire aux bons mots. Parfois.
Mais je m’accommode de ce jeu de rôles : j’y participe et j’en ris.
Malgré moi. Souvent. Parfois. La plupart du temps. Toujours ?
« N’oublie pas que tu m’as promis une chronique » m’écrivait Zoridae, « pour toi, j’ai pensé à Bloguer à la campagne ».
Le temps a passé et comme je n’aime pas me presser, j’ai traîné.
Et puis, pour tout vous avouer, j’ai en horreur le mot « blog », ses sonorités hideuses qui écorchent le mot « campagne » et rendent ces deux substantifs antynomiques.
La modernité éphémère de l’un qui se dilue dans le confort de la masse ; le passéisme enraciné de l’autre qui s’évertue à perdurer.
J’ai musardé de nombreuses journées avant de me décider enfin à écrire ce billet promis.
Mais toujours cette interrogation courtisant l’obsessionnel :
Existe-t-il une différence si manifeste entre un citadin accro au bitume et à la foule et un campagnard avide de nature et de solitude ?
En quoi ma qualité de « blogueur des champs » se différencierait-t-elle de celle d’un « blogueur des villes » ? Dois-je énumérer tous ces évènements insignifiants voire banals - pour vous peut-être – et qui rythment et enrichissent la quintessence de mes journées ? Tout en prenant soin de ne pas omettre la touche bucolique de circonstance pour « faire vrai » ; tout en prenant soin de peindre les massifs montagneux enneigés et écrasés de beauté ; tout en prenant soin d’évoquer le silence magique des arbres ; tout en prenant soin de dessiner les courbes sensuelles du lit des rivières…
Le risque du cliché n’est jamais loin mais la sincérité perce toujours derrière les mots maladroits, quitte à ce qu’on les oublie un jour. Peut-être.
J’ai fini par comprendre cette évidence là : « bloguer à la campagne » ou « bloguer à la ville » ne sont dans le fonds guère dissemblables.
Ecouter le monde « ici » ou « là-bas » ne vous met jamais à l’abri de sa douleur, de sa discordance et de son fracas.
Mais « Ici », j’ai le temps.
Mais « Ici », j’ai appris à l’apprivoiser.
Mais « Ici », j’ai surtout le paysage en plus.