Préambule

J'aime bien inspirer des auteurs, susciter des débats, lancer des idées, partager des sujets. Comme j'ai pris l'habitude de le faire régulièrement, mon blog, tout en étant le même, ne me ressemblait plus vraiment. Les invités s'accumulaient, on ne voyait plus le papier peint ; j'ai donc décidé de faire de la place et de les coller au plafond.

Pour commencer, la rubrique Blogs et... va se poursuivre ici.
(Les anciens messages et la plupart de leurs commentaires ont été transférés ici)

Bienvenus et merci à tous les participants

jeudi 18 décembre 2008

Blog et corps

[Contribution d'Olympe]

Lorsque Zoridae m’a proposé d’écrire un texte sur son blog j’ai dit oui sans réfléchir pensant que passer de mon plafond de verre (c’est le titre de mon blog) au sien, plein d’araignées, ne pourrait que me faire du bien.

Mais je suis restée sans voix lorsqu’elle m’a donné le thème « Blog et corps ». Elle ne s’en est pas aperçue bien sûr puisque de blog à blog on n’entend pas les gens crier ou rire ou rester silencieux.

« Blog et cerveau « m’aurait bien davantage inspirée et j’aurais facilement pu écrire plusieurs pages parce que bloguer est une activité éminemment cérébrale. Il serait intéressant par exemple de connaître les parties du cerveau mobilisées par cette activité : l’hémisphère gauche, celui qui est rationnel ou le droit celui qui est intuitif ? le préfrontal intellectuel ou le limbique émotionnel ? Pour savoir cela il suffirait de placer la tête d’un blogueur (en train de bloguer) dans une machine et d’observer sur un écran les zones qui changent de couleur. Je ne suis pas certaine qu’il y aurait beaucoup de volontaires pour faire avancer la science sur un sujet aussi futile. C’est dommage ça permettrait de savoir si les blogueurs doivent ou non être pris au sérieux. Imaginez que l’on s’aperçoive qu’ils utilisent les circuits de la récompense les mêmes que ceux que l’on voit devenir rouges sur l’écran lorsqu’un rat appuie sur une pédale de manière frénétique pour obtenir des doses de cocaïne, on en conclurait que bloguer n’est qu’une addiction. Imaginez, qu’au contraire les neurones qui s’agitent soient ceux qui engendrent l’action et la révolte. Il y aurait là de quoi justifier pour un gouvernement soucieux de son avenir la mise en place d’une surveillance.

Mais « Blog et corps » ? Y a-t-il une autre activité, aussi intense, qui fasse aussi peu intervenir le corps ? Je suis assise devant mon ordinateur et seuls mes doigts (et encore pas tous) et mes yeux sont en mouvement. Certes ma gorge déglutit, mon cœur bat, mes poumons respirent et mon repas finit de se digérer mais tout cela est habituel et sans aucun rapport avec le blog.

Je sens bien que ma chaise est un peur dure et mon dos commence à me le faire savoir, que mes yeux fatiguent à ne voir que des pixels et les picotements que je sens quelquefois dans les doigts sont peut être le signe d’une augmentation de la pression dans mon canal carpien.

Pas de quoi en écrire un texte.

Zoridae, qui connaît mon blog m’a donné une piste « tu pourras parler de la différence de sexe ». C’est une piste, mais le corps ce n’est quand même pas que le sexe.

J’ai donc passé du temps à surfer, frénétiquement moi aussi, avec en tête une question « quels rapports ont ces blogs avec le corps ? », « que me disent-ils sur le corps de leur propriétaire ? sur le mien ? ».

Cela n’a pas arrangé mon canal carpien .

Première constatation, le blog ne dit pas grand chose sur le corps de celui ou celle qui l’écrit. Hormis si il s’intitule « blog d’une ronde » et même si la page d’accueil montre une photo, rien ne me dit que ce n’est pas celle du voisin ou de la voisine.

J’ai longtemps cru par exemple que « de tout et de rien… » était le blog d’une femme, je l’avais même linké à ce titre, au seul motif que j’y voyais une bannière « blog de meufs ». Quand j’ai compris qu’il s’agissait d’un homme je me suis sentie trahie, mais je me suis surtout interrogée. Comment ai-je pu être aussi facilement abusée ? En y regardant bien le seul indice que je n’avais pas vu est d’ordre grammatical. Gaël parle de lui au masculin .

J’ai regardé les blogs qui parlent de sexe (moi qui, je le jure, n’ai jamais acheté Play boy ou Play girl) et je dois dire que ceux qui sont écrits par des femmes (ou qui se présentent comme tels puisque je ne sais pas qui les écrit) m’ont…intéressée. Mais lorsqu’ils s’égarent dans la description d’ébats récents comment faire la différence entre de vrais ébats et des fantasmes ? pour le lecteur il n’y en a pas. Si ça se trouve il n’y pas non plus de différence pour l’écrivain(e). En tout cas, j’ai bien senti quelques augmentations de pression ailleurs que dans mon canal carpien.

Au final, j’en suis revenue à mon idée de départ : tout passe par le cerveau. Il y a à l’intérieur ce que les scientifique ont appelé des neurones miroirs. Ils reproduisent virtuellement ce que l’on observe chez l’autre. Si l’autre est triste nos neurones tristes s’agitent cela s’appelle l’empathie, si on regarde quelqu’un jouer au tennis comme un dieu ou une déesse notre cerveau refait virtuellement les gestes et notre revers s’améliore sans que nous n’ayons rien de plus à faire.

Grâce à Zoridae j’ai découvert, qu’ils fonctionnent également à la seule lecture d’un blog mais ce sont des émotions qu'ils génèrent : je ressens de la colère ou au contraire de l'optimisme à la lecture de certaines informations, de la compassion pour certains qui parlent d'eux. Et les émotions, mais c'est bien sûr, elles mettent en jeu le corps non ? Oui, mais les viscères surtout.

Il reste une expérience à tenter. Un blog dont l'auteur(e) se mettrait en scène plutôt que d'écrire, pas pour parler non mais pour montrer comment elle fait du sport, comment il ou elle embrasse, comment il travaille, comment il prend sa douche, comment elle blogue..

Bon, à propos, mon canal carpien va très bien...de toute façon vous ne pouvez pas savoir si c'est vrai ou faux.

mercredi 10 décembre 2008

La valse du pantin

[Contribution de Dorham]

Je suis un marchand de sable sans sable. Un citron sans pulpe. Une pizza sans anchois. Une coquille vide. Comme vous le sentez, je m’en fous. Mais je préfère me servir moi-même. Je suis mon propre maton, je suis ce genre de benêt qui sort d’une boite de nuit et qui laisse tomber ses clés dans une grille de caniveau. Je suis tout nu et je fais croire à tous que je suis habillé. Ça marche bien, je suis un magicien de pacotille.

J’ai un chapelet mettons, un chapelet d’images, de trucs abscons mais qui sonnent bien. A chaque bille, je dépose une gerbe alambiquée ; point de recueillement. C’est bien. En apparence, c’est Paris sous les bombes. Je suis en redingote, j’ai des favoris, certainement pas de moustache – tu rigoles – et je me bouche les deux oreilles avec les index. M’échoit donc la responsabilité de pondre un billet sur blog et âme. Comme s’il s’agissait de deux choses parfaitement compatibles. De deux choses parfaitement corrélatives. Comme si tous, ici, nous disposions d’une âme, enfin, je veux dire : une âme visible, ostentatoire. Je suis bien élevé (malgré le retard), je presse donc mon citron et recueille un petit jus rachitique et saumâtre. Je ferme les yeux, passe entre mes doigts une bille du chapelet et tout le monde aura l’impression que c’est un litre de jus de pamplemousse rose de Floride. Si je la joue même finement, je pourrais raconter l’histoire fabuleuse du vieux mafioso sicilien qui tient l’entreprise familiale d’une main de fer. Intrigues, baises bidons et homicides à tous les étages. Et on aura tourné (même pas à vrai dire) autour du sujet, comme une vieille Visa rouillée qui cherche son chemin au rond point de la genèse d’une Ville Nouvelle. Dans un premier temps, c’est ce que j’ai fait. Avant de tout foutre à la poubelle de mon bureau pixellisé (à la corbeille, devrait-on dire !). Pourtant, en cet instant même, je vois bien que c’est plus fort que moi, que je recommence.

J’ai des fantasmes. Comme tout le monde. Des aspirations de merdaillon. Je rêve d’épure. De dépouiller le langage de toute cette bile qui le rend si gluant, si flou, si plein d’abcès. Adjectifs ? Aux chiottes ! Familiarités ? Grossièretés pseudo-couillues ? Aux chiottes ! Métaphores effilées ? Comparaisons vaseuses ? Aux chiottes itou. Et je tire la chasse sans un gramme de remords. Et déjà, en relisant le début de ce texte, je m’aperçois que j’ai de nouveau échoué. Piteusement.

Pourtant, je n’ai pas envie de prendre le truc par-dessus la jambe. Pas envie de faire le mariole. J’aspire comme tous les autres à toutes les conneries « zen » possibles. J’aspire au statut de bonzaï figé, bien taillé, discipliné. J’aspire à écluser le restant de mes jours à ratisser avec un outil minuscule un tapis de petits cailloux, enfermé dans un cerclage. Comme dans ces bureaux tout en velours de psys, tandis qu’on déblatère sur soi, Maman, la femme qui nous a laissé choir, les mômes qui nous pourrissent l’existence et nous distendent les nerfs. Je ratisse en tourbillon. Pas de citron, pas de pulpe. Pas de feinte.

J’aimerais avoir la possibilité d’appeler un chat un chat. Comme tout un chacun. Mais le blog n’aime pas l’épure. Le lecteur ne l’aime pas non plus. La faute à la lecture sur écran sans doute ou peut-être comme le pensent certains parce que l’endroit n’est pas fait pour être sérieux. Concis. Précis. On doit y balancer toutes ses billes, même celles qui sont ébréchées (purée !), tout bazarder sur le bitume pour envahir celles des autres et rafler l’intégralité de la mise. Alors, l’âme. Déjà qu’on mélange tout. L’âme, le moi, le caractère, les sentiments. Dans le même bouillon puant (pffff). L’âme, c’est tout nu, va ! L’âme, elle n’est pas de gauche, pas de droite, elle n’est d’ailleurs ni gauche ni droite. Elle est. Elle n’appartient pas aux cathos, aux musulmans, aux juifs ou à tous les autres fondus recroquevillés qui nous pompent l’air toute l’année avec leurs conneries d’Armageddon sélectif. Elle est. Elle ne permet pas d’inclure, ni même d’exclure, elle ne supporte l’exigüité d’aucune case. Elle est. Elle n’est pas un schmilblick, ou une merde de bibelot dans un kaléidoscope, pas une devinette. Elle ne se saisit pas, ne se comprend pas, ne s’entreprend pas. Elle est. Et il me faudrait me contenter d’un faux jus de pamplemousse pour exprimer tout ça ? Parfois, je me dis qu’il est grand temps que je devienne enfin adulte. Le hic, c’est que pour l’être, je sais pertinemment ce qu’il me faudrait faire. Et je l’ai fait – sous forme de catharsis (trouillard) – il y a quelque temps sans que (presque) quiconque ne le sache. Et j’ai continué ; ce qui en dit long sur ma toute-puissance catatonique. J’ai à peine fantasmé. Le local à poubelles. Une vieille poêle déglinguée. Le tour était joué. Ironie du sort, ce texte fut quelques jours plus tard choisi par un magazine papier pour son édition hebdomadaire. Un simulacre de décès en première page. Il vaut mieux en rire. Je n’accuse personne. Seulement moi en fait. Comme tout le monde, je presse mon jus de citron, je fais valser mes quilles. Je suis plein de compromissions, et elles sont toutes conscientes.

Au lieu de me revendiquer une âme, je pratique sans cesse la mauvaise pâte à modeler du moi.

Photo : http://www.silicate-photos.com/article-5249846.html

mercredi 3 décembre 2008

Oh Marie ! Une femme en dit

[Contribution de justmarieD]

Je suis entrée en blogomania comme d’autres s’inscrivent à la gym ou au tennis. Au début c’est une adepte de ce sport qui m’en a parlé ou plutôt qui a parlé de mes produits, j’étais alors en pleine création d’entreprise, en phase ascendante. Elle m’avait repérée lors d’une remise de prix sur une scène parisienne. Je souris aujourd’hui de me dire qu’elle s’était peut-être dit : « je le tiens mon sujet de demain, yesss ». Si j’étais alors loin de la sphère j’avais quand même des alertes Google sur le nom de mes produits et là, surprise, une inconnue vous offre des fleurs. Je découvre alors cet univers qui me paraît aussitôt fantastique, où chacun prend la parole, publie ce qui lui chante sous l’œil bienveillant de commentateurs plein d’admiration et apparemment tous potes ! Sans le savoir je venais d’attraper le virus !

Un premier blog triste, compliqué, conventionnel, contingenté, conflictuel : et oui plutôt que de parler d’accessoires pour fauteuils roulants je parlais « du bruit des pas » et ce n’était pas de l’avis de tout le monde et surtout pas de ceux pour qui la blogosphère peut prendre des allures de journal intime public, quelle horreur … moi j’étais prête à sortir âme et tripes comme on déballerait un cadeau étonnant d’un vieux kraft froissé !

Et puis, un jour de destin, un ami qui me veut du bien me demande de créer un blog pour alimenter une plateforme de blogs sur site dédié au handicap « mais si Marie tu as sûrement plein de choses à dire, une expérience à partager », j’attrape la balle au bond, relève le défi comme on entre en croisade, faire bouger les choses ou au moins y contribuer dans ce secteur moyen-âgeux du handicap ? Chiche 

Blog baptisé à la hâte, un petit jeu de mots qui me conduit à un pluriel déjà bien révélateur : « Les femmes en disent » où comment laisser sa peau d’âme plantée devant l’écran quand l’esprit lui est ailleurs, parti en vadrouille. Je deviens une inconditionnelle de ces libertés de pensées, c’est comme s’il y avait à portée de clic une autre dimension, des vies en mots dénuées du poids des corps. Alors soudain je raconte ma vie sous un certain nombre de casquettes, autoproclamée poule à facettes, tantôt mère, épouse, femme ou travailleuse, militante, insoumise, tantôt petite fille ou déjà vieille, tantôt faible, forte, fragile, éphémère, éternelle.

Je découvre chez d’autres taxés de moins capables, condamnés au dysfonctionnement des corps, parfois un hurlement « Je voudrais vous hurler mes quarante ans de silence » chez moi-je, femme mutique à qui la technologie donne la parole, d’autres suppliciés charnels qui écrivent leurs bonheurs simples et leur joie de vivre, leurs colères, leurs combats. Alors la magie opère et la solitude devient un mot incongru et désuet, à la limite du ridicule. Somme-nous seuls devant nos écrans ? Sommes-nous seulement encore devant nos écrans ou nos âmes dématérialisées partent-elles en voyage dans cette incroyable sphère ou le 1 et le zéro ont donné naissance à un outil fondamental de partage et de connaissance de soi et de l’autre : la communication ?

Blog et handicap au plafond ? Sujet peau de banane ! C’est malin il ne manquerait plus que je me casse la figure ! Je relis les articles précédents, me retrouve un peu en chacun d’eux, peut-on réellement écrire un article sur ce sujet ? D’accord mon blog me permet d’exprimer ma facette créative, écrire quel bonheur, je me souviens de cette année au lycée, la première atteinte aux mains et mon angoisse soudaine : et si un jour je ne pouvais plus écrire ? Aujourd’hui je sais qu’écrire est une chose que l’on peut faire du bout des cils. Je pourrais peut-être simplement dire qu’on en sort peut-être pas indemne de ces blogs là car souvent ils tapent dur, un peu comme si le handicap venait exacerber les contrastes, forcer les couleurs et les sentiments. Qu’est-ce qu’on lit dans ces blogs écrits par des personnes qui se savent handicapées : amour, gloire et beauté ? Poésie, récits, témoignages ? Le tout écrit avec plus ou moins d’amour, de talent ou d’humour ? Ben oui, comme partout ailleurs non ?

Et si en fait nous étions tous handicapés ?

Oui voilà ! On pourrait alors faire un buzz pour annoncer la bonne nouvelle, Balmeyer serait le nouveau messie j’ai décidé, il me plaît bien ce Balmeyer, il a un petit grain de folie juste ce qu’il faut pour être convaincant. Et alors la dichotomie handicapé vs valide disparaîtrait, on ferait la fête jusqu’aux petites heures d’une aube nouvelle, l’alcool et ses effets aidant les plus valides de cette assemblée de personnes handicapées à comprendre l’illusion de la validité des corps et des esprits.

Comme on serait heureux on s’endormirait, ça serait bien.


Découvrez Francis Cabrel!



Peinture : Marie par Georgik

mercredi 26 novembre 2008

Chasseur de lumières

[Contribution de Catherine Goux]


Dans la vraie vie, c'est un petit champ tout râpé, habité par deux chevaux poussiéreux et endormis. Au fond, une ferme moche, et qui sent le fumier quand le vent souffle de l'est. Mais rajoutez-y une lumière couchante, un éclairage inhabituel et particulier, voilà qu'on se met à presque envier les propriétaires de toutes ces beautés.

Eh bien, les blogs, quand ils sont de haute qualité, c'est pareil : un éclairage étudié transformant une petite vie râpée, poussiéreuse, endormie, moche.
Et qui, parfois, sentent le fumier...

mercredi 19 novembre 2008

Arrêt de travail ou blog au village

[Contribution de Marc Calvet]

(Quotidien novembre 2008) C'est mon médecin qui m'a proposé de m'arrêter 4 jours. J'ai hésité et je me suis dit que je ferais des heures supplémentaires pour récupérer les jours de carence. J'ai vraiment mal à la tête, des courbatures dans la nuque, le nez complètement bouché et le moral en berne. En écrivant l'ordonnance il m'a parlé de la valve et m'a prescrit les antibiotiques indispensables contre le risque d'infection toujours possible.
Je suis seul à la maison ce matin ma fille est à l'école et ma femme travaille. Le chat et le chien tournent autour de mes jambes. J'ouvre l'ordinateur comme je le fais tous les jours. 3 nouveaux commentaires, 150 visites et 334 pages vues pour la journée d'hier. J'ai eu mon premier ordinateur en 1998. Je l'avais installé dans l'entrée de l'ancienne maison rue des Flamands à la place du minitel près de la prise de téléphone. Le modem se connectait en faisant un bruit terrible, il fallait surveiller le temps de connexion, les pages s'affichaient avec une lenteur incroyable. Je me souviens en particulier du journal intime d'un Canadien et d'un Ukrainien. Je les lisais le soir depuis mon village du sud et cela me paraissait exotique et fascinant. Je m'étais acheté des bouquins d'informatique pour créer mon site. Nous parlions de nos vies, du travail, des enfants et écrivions déjà de petites histoires. Les moyens ont changé mais j'ai toujours cette nécessité d'écrire, d'être lu et de lire les autres. Il fait enfin beau, après des jours de pluies et de tempête. Le linge c'est accumulé dans la panière et un drap sèche sur le haut de la porte. Il faut que je pense à faire des lessives. Je me suis couché tard hier, je voulais finir un texte mais n'y suis pas arrivé. Je me pose trop de questions en ce moment. Mon portable sonne, ma fille m'envoie un texto et me demande comment je vais. Elle s'inquiète un peu, je suis rarement en arrêt. La cafetière fait un bruit infernal. Je prends le drap pour l'étendre au soleil sur la rambarde du balcon et au même moment la voisine, les cheveux en bataille et le visage chiffonné ouvre ses volets. Je prends le temps de regarder le facteur s'arrêter devant chaque maison pour déposer une lettre. C'est drôle ce nom "Marc Calvet . Je me rends compte qu'il me correspond au fil du temps. C'était le nom d'un client. Je l'ai appelé pour un impayé, il avait une voix grave et agréable, il m'a répondu rapidement et cordialement et je lui ai volé son nom. Le chien revient dans mes jambes il est temps de faire une promenade. Le parcours est sensiblement toujours le même. La rue A. Daudet puis je tourne aux anciens Lavoirs face à la Médiathèque Municipale et je reviens par le parking avant de remonter ma rue. Les anciens noms des rues ont été affichés au dessus des noms actuels. Quartier du Barry, rue du grand four, rue de la Chicane, rue Canet L'Aubouissaire. J'ai envie d'écrire quelque chose là-dessus, beaucoup de notes ont été pensées au cours de mes ballades. Il m'arrive souvent de prendre mon carnet et d'écrire assis sur un banc près du café du Mistral ou sur la place face à la mairie et l'église. Je vois souvent des gens branchés sur Internet le soir quand je passe devant les maisons. Je prends parfois le temps de les observer comme un voyeur. Le chien lève la patte sur une roue de voiture et moi et le chat qui nous a suivis attendons patiemment qu'il finisse. Je reviens dans ma rue le drap jaune sur mon balcon est lumineux sous le soleil et bouge doucement. Je sais ce que je vais faire je vais prendre un café sur la place avec un livre de nouvelles, mon carnet et les textes que j'ai imprimés (les longs), ceux que je n'ai pas eu envie de lire en ligne. Je suis en arrêt maladie après tout, j'ai du temps.

mercredi 12 novembre 2008

Ma femme préfère Spermy

[Contribution de Balmeyer]

[le blogueur du jour étant excusé, j’ai proposé d’effectuer l’intérim, pour meubler, si vous voulez, pour faire le bouche-trou. Ceci n’annule en rien ma contribution prévue dans quelques semaines, intitulé « blogs et géraniums ». A ce sujet, je vous laisse méditer sur la cruauté du
thème qui m’a été imposé...]

Avant, tout était simple, je mettais par exemple de la grande musique, Carmen, au hasard, compilation « les trésors de la musique classique », ou des valses de Vienne interprétées par ce violoniste si populaire en redingote . Elle était emballée, elle trouvait ça tout le temps romantique. Je pouvais l’emmener en week-end, et expliquer ma vision des choses, de la crise financière, l’effondrement du bloc communiste, en fronçant les sourcils, elle savait que j’étais quelqu’un de stable, de fiable. Les femmes aiment qu’on les rassure.

Devant l’ordinateur, ma femme demeurait souvent studieuse, pour effectuer la comptabilité de la maison, ou échanger des nouvelles avec belle-maman. Parfois, bien sûr, elle prenait du temps pour se distraire, lire les nouvelles en ligne, souvent tristes hélas, ou consulter les sites frivoles de mode, comme nos épouses aiment à faire pour se distraire ou rêver, ce qui est tout à fait légitime.

Un jour, cependant, je l’entendis glousser devant son écran. Evidemment, je fus intrigué. Que pouvait-il y avoir dans nos comptes qui l’amusât ainsi ? Quelle nouvelle classée dans les « insolites » avait pu éveiller sa gaité ? Ou bien, quelle événement extraordinaire avait pu inciter belle-maman a essayer l’humour ?

« Qu’est-ce qui t’amuse donc? demandai-je espiègle, et très ouvert d’esprit.

- Non rien, j’échange avec Spermy.

- Qui donc est-ce, demandai-je, intrigué, au plutôt sursautant sur mon fauteuil, ce « C’est permis » ?

- Non, non, Spermy.


- Sp… pardon ? Comme le…

- Oui, comme le sperme. »

Evidemment, je m’amusai aussitôt d’une telle incongruité, je me tapai le genou plusieurs fois avec force, tant j’étais ouvert d’esprit, et riant très franchement, je pris la chose avec une totale décontraction. Les technologies modernes sont cruciales et sans cesse changeantes, et il faut être alerte et ouvert, j’ai d’ailleurs plusieurs fois entendu et utilisé le terme de web deux points de zéro, et je sais rester en alerte, curieux tel le renard vif dans la forêt sans quoi on devient vite rigide comme un syndicaliste.

Je suggérai toutefois, assumant mon rôle tacite de protecteur, que c’était très bien d’aider les gens sur ce réseau. J’imaginai en effet que ce jeune homme avait besoin d’aide, se trouvait dans un cruel désarroi. Un tel patronyme sonnait en effet comme un poignant appel au secours. Je terminai, riant de plus belle, le genou meurtri d’être tapé, en ces termes, pour la rassurer totalement : « si tu veux, s’il te harcelle, bien sûr, nous pourrons porter plainte. » Constatant pour toute réponse un rire fielleux, je décidais de ne plus m’en mêler. Chacun a besoin de son jardin secret, c’est bien connu.

Malgré tout, je tâchai de consulter sa messagerie électronique, afin peut-être de déceler un danger qu’elle n’aurait pas vu, dans sa douce volonté d’aider les autres ; je constatais alors qu’elle avait modifié son mot de passe, je ne m’en formalisai point, il est normal de protéger son jardin secret, sinon c’est un jardin public, endroit où rodent des gens susceptibles de s’appeler Spermy, par exemple.

Protecteur, fiable, je l’étais, certes, mais je n’en restais pas moins un homme. Et même pour un époux solide, capable de gérer de nombreux dossiers, de supporter un stress toujours croissant, j’avais des doutes… Le lendemain, je faisais, à demi-mots part de ma perplexité à mon collègue Robert Dorame, le chef du contentieux (nous disions en plaisantant : chef du contentieux, et bientôt chef du compte en Suisse, preuve que nous aussi, nous étions capables de plaisanter, sans avoir recours à des pseudonymes désobligeants). Nous venions juste de gagner un double, au tennis, face à des gars du service comptabilité, et il me répondit plein d’optimisme : « Regarde la bonne branlée qu’on leur a mise, à ces connards de la compta, tu penses quand même pas qu’on va se laisser emmerder par tous les enculés du monde ? Regarde les Incas, ou les Mayas. Ils avaient tout compris : je te sacrifie, ou c’est toi qui me sacrifies. Tout est animal. Sexuel et animal. Regarde, les mecs de la compta, quelque part, pendant ce match, on les a sacrifiés comme des Incas, et symboliquement on les a éviscérés et on a dansé sur leurs tripes encore fumantes ! » Puis il sauta sur place, semblant piétiner des viscères, ce qui me rasséréna beaucoup.

Cet inconnu est sans doute homosexuel, dis-je le soir venu à mon épouse, il veut peut-être se soigner par le dialogue ? Je lui expliquai alors cette théorie sur les Incas ou les Mayas qui sacrifiaient sexuellement des animaux, elle soupira, puis enfin m’interrompit juste avant la conclusion, ce qui était frustrant, en ces termes : « tu te prends tellement au sérieux… ». Ne sachant que dire, je terminais mon cognac en silence.

J’aime avoir le contrôle. Je décidais donc, toujours aussi ouvert d’esprit, d’en savoir plus, et au bureau, je tapais dans un moteur de recherche, à tout hasard, le nom de cet étrange correspondant, Spermy. Je tombai sur son journal intime où était exposée en gros la photo d’un pénis, ce qui me mit dans un profond embarras vis-à-vis de ma secrétaire et du personnel. Comme il se doit, face aux gloussements, je gardai le silence, afin de ne pas prêter crédit aux rumeurs qui pourraient en découler.

Je tentai à nouveau l’expérience quelques jours plus tard, une fois la secrétaire et le personnel partis. Je fus tout à fait interloqué par ce que j'y lus. Je ne sais pas si ce garçon racontait vraiment sa vie, mais j’aurais été gêné de m’exposer ainsi, aux yeux de tous. J’aurais, je pense, à sa place, choisi de mettre plutôt en relief des expériences positives et valorisantes, par exemple mes loisirs (le tennis où je garde un excellent niveau), et éventuellement ma vision de la crise actuelle, ayant, vu ma position, une vision assez complète du phénomène, au lieu de développer mes relations avec le monde, les filles et le douloureux problème de mon homosexualité.

Je méditai avec une morosité certaine sur l’aspect canaille de la chose. Le soir, pendant le repas, j’hasardai, tout à fait décontracté, avec un clin d’œil : « Ah, ce coq au vin est quand même plus agréable à manger que du caca boudin ! ». Elle me dévisagea, consternée. Je toussais, et tentais de poursuivre : « c’est vrai enfin, on est pas forcé de se prendre tout le temps au sérieux ! On peut aussi s’amuser, comme si on avait gardé une âme d’enfant ! D’ailleurs, j’ai rudement envie de jouer aux sept familles, comme lors de notre rencontre !». Elle se retira ensuite, l’air affairé, pour faire nos comptes sur l’ordinateur. Je l’entendis glousser parfois.

Au golf, je fis part à Robert Dorame de cette situation gênante. C’était comme si je perdais contrôle, et je n’aimais pas ça. C’est peut-être sexuel, m’expliqua-t-il, ratant la balle, et frappant en conséquence plusieurs fois le club contre le sol pour calmer sa colère. Tout est sexuel. Animal et sexuel. Il développa sa théorie. Il me parla du retour de la Bête, de la bestialité. Les hommes sont des chasseurs, leur instinct est de marauder dans les bois, pour chasser la bête, bête contre de bête, tuer, et dépecer pour manger de la viande et faire des colliers avec les viscères. Nous devisâmes longuement sur les peintures rupestres, les conquistadores et le besoin symbolique de puissance, pour en arriver à la crise financière actuelle. Cette lecture bestiale de l’humanité me remplit encore d’une foi nouvelle en la cohérence ce l’univers.

Le soir même, je m’approchai langoureusement de mon épouse, et d’un air tout à fait décontracté, sans me prendre au sérieux le moins du monde, mais bestialement tout de même, mais modestement, je susurrai : « …si tu veux, tu peux m’appeler Bity ? Qu’en penses-tu ?», et je soulignais ma proposition, avec de nombreux clins d’œil des plus engageants. Elle se leva pour faire ses comptes sur l’ordinateur, en pleine nuit, cela tournait à l’obsession.

Au bureau, je consultai plusieurs fois le site de l’inconnu. Fort heureusement, il avait ôté l’image désobligeante de son pénis, ce qui n’empêcha pas les gloussements des secrétaires et du personnel de se poursuivre dans mon dos. Je me réjouis, en le lisant, le téléphone à la main, sur le point d’appeler mon avocat pour intenter un procès à cet individu qui proposait ses fantasmes délirants en ligne sur ma femme.

Je signais ainsi anonymement un commentaire : « Votre article est très beau, mon cher Spermy, sincèrement, je suis de tout cœur avec vous, je suis sûr que vous allez vous en sortir et triompher de votre homosexualité, et sans doute, alors, laisser les femmes des honnêtes gens tranquilles. »

Je triomphais alors avec ce message impétueux, et bienveillant à la fois, dont la puissance devait logiquement l’amener à cesser son carnet ; ce qu’il, évidemment, ne fit pas.

vendredi 7 novembre 2008

Et encore...

Tifenn voit le blog comme une religion, et vous ?

Mry
recommande la lecture du billet de Spermy qui fait débat depuis mercredi.

Dorham évoque l'instinct grégaire des blogueurs, le sectarisme, par moment décourageant dans les commentaires...

Balmeyer émeut avec un magnifique portrait de blogueuse.

Et ma copine de théâtre, Sophie, a écrit aujourd'hui son deuxième billet de blog...

Je trouve cela passionnant, merci !

mercredi 5 novembre 2008

Blogs et filles

[Contribution de Spermy]

lorsque j’ai avisé le message ce matin je me suis dit tiens elle veut remettre le couvert la cochonne - je pensais que c’était une ancienne petite amie qui m’écrivait, il faut dire qu’un prénom pareil ce n’est pas bien courant. il ne s’agissait en réalité que de me proposer fort aimablement d’écrire ici-même sur le thème blogs et filles, proposition à laquelle je me hâtai de donner suite en raison de mon intérêt pour ces deux sujets, l’idée d’être agréable à emeline pour le cas où il arriverait quelque chose à son marmouset de mari n’étant pas non plus étrangère à cet empressement - bien entendu. blogs et filles sont étroitement liés et ceci à plus d’un titre mais je ne m’étendrai pas sur les blogs tenus par des filles, lesquels ne présentent que très peu d’intérêt à moins de ne pas se foutre comme de colin-tampon des crèmes de nuit, histoires de cul à l’eau de rose, musiques à la mode, sacs à la con, escarpins pourris et autres billets sponsorisés destinés à s’offrir le gloss auquel leur seul maigre salaire ne saurait leur permettre d’accéder. vous me rétorquerez probablement que certains blogs tenus par des filles valent le détour, qu’on peut y lire des choses réellement intéressantes, ce à quoi je vous répondrai oui oui bien sûr mais on ne va pas se faire chier pour deux ou trois blogs. ceci posé, il m’apparait bien plus intéressant, en revanche, de se pencher sur un phénomène bien particulier qui est la facilité déconcertante avec laquelle vous pouvez baiser des filles lorsque vous tenez un blog. y compris si vous avez une sale gueule ou si vous êtes pauvre - et c’est bien là toute la différence avec la vraie vie. concernant donc les blogs et filles je dirais que pour un débutant il peut peut s’avérer payant de se positionner sur le créneau relations publiques, marketing, et consulting tu comprends cocotte je suis un peu tout ça à la fois c’est ça le web. la pertinence de vos propos n’est en aucun cas un facteur déterminant et c’est heureux puisque vous vous devez, en vue d’une meilleure efficacité, de consacrer le moins de temps possible à la rédaction de vos billets afin d’être en mesure de montrer votre gueule partout. reprenez quelques buzz, recopiez quelques dépêches, insultez quelques blogueurs en vue en les traitant, au hasard, de grosse tante gauchisante ou de sale facho et vous obtiendrez alors mécaniquement de nombreux commentaires, sans compter les visiteurs acquis à votre cause que que vos faux-amis rencontrés entre deux coupes de champagne vous enverront. la pouffiasse lambda va inévitablement vous prendre pour un type important, un type qui compte, un mec commenté, un gars polémique, un mec qui a des choses à dire, des couilles quoi. et si en plus vous recevez des places de cinéma gratuites alors là c’est bingo putain vous pouvez baiser un tas de gonzesses depuis la connasse qui cherche un stage marketing à la fonctionnaire de merde qui se fait tellement chier au boulot qu’elle lit des blogs à longueur de journée dont le vôtre, souvenez-vous que vous êtes en vue. si cela vous fait vraiment trop chier de vous appuyer tous ces blaireaux dans les soirées juste pour baiser des connasses que vous ne devrez pas contredire lorsqu’elles sembleront se croire intelligentes, vous pouvez opter, comme je l’ai fait, pour le positionnement rebelle impoli. proclamez alors haut et fort votre mépris pour les blogueurs appartenant à la première catégorie, jouez les indépendants d’esprits, dites des gros mots. il est indispensable de posséder un minimum de style et d’être amusant, ou vous passerez simplement pour un grossier personnage. j’ai donc moi-même opté pour cette approche, et ceci pour deux raisons principale. la première est que vous ratissez plus large puisqu’il vous est toujours loisible de choper les connasses que vous impressionnerez avec vos grands airs, et qui ne s’intéressaient jusque là qu’aux blogueurs sans-couilles de la première catégorie. la seconde est que vous vous adressez naturellement à un public féminin souvent plus évolué socialement et culturellement, plus indépendant économiquement, et peu attaché aux simagrées et autres préliminaires, ce qui vous permet - accessoirement - de dépenser moins d’argent pour arriver à vos fins. n’oubliez pas, en effet, que positionné stratégiquement tel que vous l’êtes vous n’avez pas la possibilité de rédiger des billets sponsorisés ou d’accepter les invitations des agences de communications et autres bouffons qui vous tutoieraient alors même que non seulement vous n’auriez aucunement gardé les pourceaux de concert mais qu’encore, leur niveau d’étude étant si bas, vous ne manqueriez pas de vous demander pourquoi diable il se penseraient autorisés à vous adresser la parole. n’hésitez pas, au passage, si vous paraissez dans une de ces soirées qu’affectionnent les blogueurs de la première catégorie, à menacer physiquement, ivre, certain d’entres eux. ne les craignez pas, ils sont veules, et cela renforcera votre légende. ces moyens financiers que vous aurez sauvegardés, il convient de les mettre à profit pour se vêtir élégamment afin de créer un décalage important entre la teneur de vos écrits et l’incroyable classe qui devra être vôtre dans la vraie vie. vous l’aurez compris, opter pour ce type de blog est beaucoup plus difficile car cela exige notamment style, humour et discrétion, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas le point fort de vos concurrents de la première catégorie, ce qui explique du reste qu’ils se cantonnent à leurs pitreries numériques et à leurs tests de gadgets technologiques. je vous conseillerais donc de vous en tenir à la première catégorie de blogs évoquée, plus en rapport avec vos capacités. de plus, venir jouer - imparfaitement - dans ma catégorie ne manquerait pas de vous faire apparaître comme mon faire-valoir, vous seriez robin et je serais batman vous n’en sortiriez pas grandi croyez-moi. mais surtout n’oubliez jamais, jamais, qu’en aucun cas vous ne tenez un blog pour le plaisir, vous tenez un blog pour baiser des pouffiasses. blogs et filles mon vieux. blogs et filles.


Photo : Spermito

mercredi 29 octobre 2008

La loi du milieu

[Contribution d'Eric Mainville]

Il existe une Loi dans le petit milieu des blogueurs. Cette loi est tacite, mais infrangible, inviolable, à moins d'y laisser sa peau.
Cette loi tient en une phrase: un blogueur ne critique pas un autre blogueur.

C'est la vérité. On croit souvent que les blogueurs sont des individus irascibles qui passent leur temps à râler contre tout et, hélas, à l'écrire sur leur blog. Mais ce qu'on oublie c'est que les blogueurs ne se critiquent jamais entre eux. C'est la loi du milieu.

Vous me direz, c'est pareil dans toutes les communautés, toutes les corporations.
Un footballeur ne critique jamais un confrère, car il sait qu'un jour où l'autre il peut être transféré dans le même club que lui. Et, alors, il lui faudra rendre des comptes. Ou bien il affrontera lors d'un match le joueur qu'il a critiqué, et dans ce cas, bonjour les représailles au niveau des protèges-tibias.
Même chose chez les écrivains: ils se méprisent entre eux, mais pas un n'aurait l'idée stupide de l'avouer dans le Magazine littéraire. Dans les salles des profs, c'est pareil: tout le monde s'aime...

La seule différence, c'est que les blogueurs sont plus nombreux.
Et cette différence est énorme.
C'est ce qui transforme la blogosphère en immense jeu de big brother. Critiquer quelqu'un, c'est s'exposer à être critiqué par d'autres, puisque tout le monde peut nous voir.
La loi du milieu, "un blogueur ne critique pas un autre blogueur", s'explique par la structure même des blogs.

Je repèrerai deux phénomènes (il y en a d'autres).
Il y a d'abord ce qu'on pourrait appeler l'effet technorati. Connu dans le domaine de la publicité sous l'appellation "bad publicity is publicity". Critiquer quelqu'un, c'est lui faire de la pub. Dans le cas des blogs, pour critiquer, il faut citer. Cette citation est comptabilisée par les moteurs de recherche, et notamment par technorati, le moteur de recherche des blogs. Une critique égale un vote. Voilà pourquoi les blogueurs y réfléchissent à deux fois avant de rentrer dans le lard d'un confrère.
Il s'ensuit que la pire critique, pour un blogueur, est d'ignorer. Ignorer superbement le moucheron qui vous tourne autour et cherche à vous faire réagir en vous critiquant. Ignorer aussi les flatteurs...

Le deuxième phénomène qui explique que les blogueurs critiquent rarement leurs semblables est ce qu'on peut appeler la force virale des trolls.
Critiquer quelqu'un, c'est mettre le doigt dans un engrenage. Une critique appelle une réponse, voire deux, trois, dix réponses. On croyait envoyer un message à un importun, on s'aperçoit qu'on a tapé dans une fourmilière. On a réveillé un réseau, alerté un essaim de trolls, déclenché une "blog war".

Je me souviens, récemment, d'un blogueur qui avait eu l'idée, stupide et suicidaire, d'attaquer frontalement un blogueur politique influent. Le présomptueux était allé jusqu'à poursuivre son adversaire sur son propre blog.
Sachant que ce dernier charrie derrière lui une tripotée de trolls plus véhéments les uns que les autres, l'issue du combat était prévisible. L'assaillant fut submergé, noyé sous un flot de commentaires tels qu'il dut hisser le drapeau blanc. Il rentra sur son blog la tête basse et décida de ne plus parler de politique nationale. Trop dangereux!

Personnellement, il m'arrive de regretter l'existence de cette loi du milieu propre aux blogs. Mais, va, c'est la vie! Chacun a la mafia qu'il mérite...

mercredi 22 octobre 2008

Une araignée (et ses invités) au plafond

J'aime bien inspirer des auteurs, susciter des débats, lancer des idées, partager des sujets. Comme j'ai pris l'habitude de le faire régulièrement, mon blog, tout en étant le même, ne me ressemblait plus vraiment. Les invités s'accumulaient, on ne voyait plus le papier peint ; j'ai donc décidé de faire de la place et de les coller au plafond.

Pour commencer, la rubrique Blogs et... va se poursuivre ici. Et dès que j'aurai un peu de temps je collerais les articles précédents, je ne sais dans quel ordre...

Bienvenus et merci à tous les participants

Blog et Vie Privée

[Contribution de Nefisa]

Il y a quelques temps déjà, Zoridae m'adressait un mail commençant par ces mots:

"Bonjour ordure,"

Cela montre qu'elle me connaît suffisamment pour savoir que je suis très à cheval sur l'utilisation d'une formule de politesse en début et en fin de correspondance.

D'ailleurs, avec la constance qui la caractérise, elle concluait le mail par :

"Bonsoir prout."

Preuve s'il en est qu'elle ne discerne pas si bien que ça les multiples facettes de ma personnalité. Je ne pète pas moi. Madame.

Le contenu de sa missive m'apprenait qu'à la suite du tri de milliers de candidatures et de longues délibérations, je faisais partie des heureux finalistes du grand concours : "Ecrivez sur le blog de Zoridae à sa place."
Je ne vous cache pas que je trouve ceci d'une flemmardise aberrante, mais comme c'est une copine, je n'ai pas refusé. J'aurais pu, quand on voit qu'en plus elle impose le sujet.

Blog et Vie Privée.

Me v'la bien lottie. J'aurais aimé avoir blog et immigration, blog et tronçonneuse (elle m'a aussi imposé ce mot là), ben non. Blog et vie privée! dans les dents.

Bon gré, mal gré je m'y suis collée.

Paraît que lorsqu'on écrit un texte argumentatif de ce genre on commence par une accroche, ça c'est fait, vient ensuite une présentation du sujet, ça aussi c'est bâclé, et enfin on définit les termes du sujet et on restreint à une problématique. Tiens, ça me rappelle la glose que je me farcissais en droit.

Un blog : ça ne se mange pas. C'est un enchevêtrement de pixels sur votre écran d'ordinateur, ça raconte des trucs avec des lettres, des images, du son. C'est issu des cerveaux d'un aréopage de représentants de l'espèce humaine et animale.

-- Aparté --
A propos de cette dernière phrase, d'aucuns s'étonneront, peu d'animaux en effet maîtrisent l'utilisation de l'Internet. Cependant, je n'exclue pas que certains chiens bloguent pour leur maîtres, ça expliquerait beaucoup de choses, comme les skyblogs par exemple, où des chiens battus se foutraient ouvertement de la gueule de leur maîtres en créant des blogs affligeants à leur noms. Et des koalas bloguent aussi, sinon comment justifier cette recrudescence de photos de marsupiaux mignons sur le net, c'est une conspiration koalesque ). Bon, on s'en fout en fait.

-- Fin de l'aparté --

Passons à vie privée. C'est tout ce qui n'est pas public. En fait, réfléchissons un peu : C'est tout ce que vous ne souhaitez pas voir rendu public. Conséquemment, dès l'instant où vous divulguez volontairement des informations sur vous (l'heure à laquelle vous allez au toilettes, votre dernière visite chez le vétérinaire, une photo de votre cellulite ) ces informations font partie de votre vie publique.
Je ne traiterais donc pas de la manière de gérer l'étalage de sa vie privée sur un blog, puisque je viens de démontrer que ça n'était pas le cas. (en fait il y a beaucoup à dire sur l'étalage de sa vie tout court sur le net et comment le gérer, mais ce n'est pas le sujet, vous pouvez aller lire là, ça couvre le sujet )
Il reste dans la problématique Blog et vie privée, la vie privée de ceux qui vous entourent. Par exemple si la Yaya apprenait le français et venait lire mon blog, je suis sûre qu'elle serait loin d'être ravie, elle me foutrait dehors à coup de balai et j'en serais réduite à dormir dans le poulailler et à tuer les chats pour me faire une couverture de leur fourrure. Et si un jour le fils de Zoridae lit le blog de son père, il risque de ne plus jamais oser sortir de peur de se faire lapider. Là encore il y aurait beaucoup à dire mais ça ne m'intéresse absolument pas de développer.

-- Aparté --
On comprendra maintenant aisément pourquoi je n'ai pas fait de longues études, vous me voyez sortir à mon directeur de thèse : Oui, bon, là sur l'évolution du marché des yaks au Turkménistan et son influence sur la courbe des prix du pétrole en Thaïlande, il y avait beaucoup à dire, mais j'ai eu la flemme alors j'ai mis une photo de koala à la place, c'est mignon." Non, sérieusement, ça ne se fait pas.


-- Fin de l' aparté --

Bon ce qui fait que je me retrouve avec rien. Je viens de vider de son sens la problématique blog et vie privée.
Peut être qu'en la retournant j'en extrairais une petite goutte. A tiens oui, ça fait vie privée et blog. Voilà qui nous fait voir les choses sous un autre angle.
Un carnetiste (ça vient d'entrer dans le dictionnaire, autant l'utiliser au moins une fois) a une vie à côté du blog, à moins d'être un nerd fini - pardon, un geek, parlons français. - qui passe sa vie devant son ordinateur à bouffer des chips et regarde des épisodes de Buffy et Xéna entre deux billets sur le dernier navigateur à la mode.
Le carnetiste a un partenaire, des parents, des gniards, un boulot, des loisirs et des rendez-vous chez l'oculiste. Oui ! au moins tout ça. D'ailleurs c'est une parade de blogowar, ça revient tout le temps, dès qu'on est à court d'argument : "j'ai une vie moi, je ne pense pas qu'au blog, vous êtes tous des décérébrés, je suis la meilleure ! point barre ! " (oui c'est un argument de filles surtout) .

Or blogger prends du temps, au moins si on engage pas des nègres comme le fait Zoridae, ou même Jegoun que je soupçonne de payer ses compagnons de débauche pour pondre des billets à sa place, c'est pas possible un tel débit.
Il faut avoir une idée de billet, trouver le ton, développer le contenu, trouver les vannes ou le mot juste qui fera continuer le lecteur (je parle de bloggeurs qui savent faire des phrases, pas de skybloggeurs entendons nous bien), il faut prendre soin de ses listes de liens, de la déco du blog, poser des commentaires chez les voisins, répondre aux siens, bloguer, (tiens, ils n'ont pas mis carnetiser dans le dictionnaire, que faut-il dire ? ) surveiller les statistiques et les classements pour savoir si on est célèbre et z'influent (quand on veut l'être, c'est pas obligé non plus, mais ça ajoute un peu de piment).
Bref, une activité chronophage comme on les aime. Or tout le monde ne tartine pas sa page au boulot, je vous assure ! On peut donc s'interroger sur la répartition du temps d 'ordinateur chez les couples. Et les petits désagréments inhérents à la tenue d'un blog :
"Chéri, j'ai envie de toi, maintenant, tout de suite sur la machine à laver !"
" Pas maintenant poulette, j'écris un super billet sur comment j'ai marché dans une crotte ce matin."
"Bon, Chéri, je te quitte."
" Oui, oui, attends, je réponds à un commentaire de bisounours43."

En plus du temps effectif passé à bloguer. Il y a le temps passé à en parler qui peut avoir des conséquences désastreuses sur la vie privée.

"Comment ça va aujourd'hui"
"Ben t'as pas lu mon blog?"
" Ton quoi ?"
"Mon blog, tu lis pas mon blog ? je te retire de mes contacts msn, @+"
"Je suis en face de toi, blaireau "

ou

" Ah tiens hier sur mon blog j'ai eu un troll, j'ai trouvé son IP, mais il en a changé avec Tor, j'ai envoyé un mail à mon hébergeur mais ils ne peuvent rien faire. "
"..."
"Je vais sûrement changer de plateforme et d'URL mais je n'arrive pas trouver comment exporter mes archives en FTP. "
" Bon , euh c'était sympa de te revoir, mais je crois que j'ai laissé mon hamster dans le micro ondes, à la prochaine"

Oui forcément, vous êtes dans votre petit monde, de quoi vite passer pour un taré nombriliste accroc au virtuel (demandez à ma sœur ) .

En plus de ces cafouillages sociaux, il y a le temps passé à penser à ce que vous allez écrire, et cette nouvelle vision du monde.

-- Aparté --

Pourquoi elle nous parle de pensée ? on s 'en fous, nous parlons de vie privée. Il se trouve qu'en ce qui me concerne, ce que je pense, mes opinions diverses et mes questionnements profonds, c'est ce que je définis comme ma vie privée, justement les choses que je ne mettrais pas facilement sur mon blog.

-- Fin de l'aparté --

"Oh un chat, je pourrais raconter sur mon blog qu'aujourd'hui j'ai vu un chat et oh tiens, la voisine et si je racontais que j'ai vu la voisine et oh la voisine tape le chat je pourrais dire que la voisine est une...oh un type aveugle je vais pouvoir sortir ma blague sur l'aveugle qui rentre dans un...."

Bref... tout de suite votre vision de la vie et la gestion de vos actions prennent un tour différent. On peut voir le côté positif de la chose : Si vous ne le faisiez pas avant, vous allez visiter des expos, aller au cinéma et voir des concerts pour ne pas passer pour un bulot devant votre lectorat. Désormais si vous voyez un type qui se noie, vous plongerez à son secours en pensant à comment vous allez tourner ça sur votre blog ce soir en soignant votre pneumonie. Sans blog, vous l'auriez regardé se noyer et au mieux vous auriez témoigné pour le journaliste stagiaire du canard local : "C'était horrible, il y avait de l'eau partout" rapporte Monsieur Nicolas J, 42 ans, témoin du drame.

J'avais lu il y a quelques années de ça, lors de la grande vague d'ouverture de blogs, qu'une telle activité modifiait le mode de fonctionnement du cerveau, comme si une case "blog" s'y inscrivait au détriment d'autres fonctions (il y a des gens qui ont payé pour faire une étude sur le cerveau des bloggeurs. rien que pour ça j'en étais restée sur le cul).
Traduction : bloguer vous fait penser différemment.
Re-traduction : maintenant pendant vos périodes de vacuité spirituelle, genre sur le trône au petit matin, dans le bus ou pendant une réunion chiante, vous ne pensez plus à ce qu'il va bien pouvoir se passer dans le prochain épisode de Sous le soleil, mais plutôt à ce que vous allez bien pouvoir raconter, et vous voilà à pondérer sur le sens de votre vie et ce que vous avez bien pu retirer de votre journée. C'est dire à quel point c'est dramatique, vous auriez pu gloser à l'infini sur la prise de poids de la présentatrice du journal TV à la place.

Que dire ? Vous vivez blog, parlez blog, mangez blog ? Avez vous besoin d'être enfermé ? Est-ce que comme l'alcoolisme ou la zoophilie votre obsession a des conséquences irréversibles sur votre vie privée ? C'était là le sujet, au cas où vous n'auriez pas encore pigé, mais je sais que tous les lecteurs de Zoridae sont beaux et intelligents, (me tapez pas dans les commentaires, je viens de vous faire des compliments, tudieu ! ) Bien sûr il faut savoir tenir votre langue en société, a moins qu'elle ne soit constituée que de blogueurs, votre tablée de restaurant se fout de vos statistiques comme de leur première cuite. En général, vos parents sont très fiers de votre blog et vos enfants s'en contrefichent, pendant que vous bloguez ils jouent sur la playstation au lieu de faire leur devoirs.

On fait quoi en conclusion déjà ? ah oui résumé, machinchose, ouverture. Et que personne ne me fasse remarquer que j'ai zappé le corps de la dissertation ou je mords.
Bloguer influe sur votre vie privée. Pourquoi ? parce que c'est une activité (ce qui veut dire que vous êtes actif pas passif et que vos petits neurones s'agitent lorsque vous bloguez). A tout prendre, je préfère passer trois heures devant mon ordi à déconner sur mon blog et ceux des autres, finir par rencontrer d'autres blogueurs, manger des épinards avec eux et enrichir ma vie de connaissances, de belles collaborations et des moments de pure marrade que de passer trois heures à faire de la cellulite sur mon canapé en matant le 20 heures de TF1 et Plus belle la vie.

Pour ceux qui ont sauté tout depuis le premier paragraphe je vais résumer en une phrase. Le blog n'est pas qu'une fenêtre ouverte sur votre jardin secret, c'est aussi une activité influent sur votre comportement général et votre manière de vivre et d'intéragir avec votre entourage. Pas forcément de manière négative d'ailleurs.

J'ai fait hors sujet. 2/20
Mes hommages.

mardi 7 octobre 2008

SPLENDEURS ET MISÈRES DES BLOGUEURS

[Contribution de Didier Goux]

SPLENDEURS ET MISÈRES DES BLOGUEURS

Ou Nous sommes tous des déshonorés de Balzac


L’écran du blogueur n’est pas la page blanche de l’écrivain. La page de l’écrivain est vierge et vide à la fois, même lorsque l’écrivain travaille sur ordinateur. Alors que, derrière l’écran du blogueur, parfois même dedans, ça grouille, ça se contorsionne, ça ricane ; parfois aussi ça encourage, ça flatte, ça louange ; il arrive même que ça sourie. Bref, il y a du monde, et c’est ce qui fait qu’un blogueur ne peut être écrivain, alors qu’un écrivain peut parfaitement tenir un blog si cela lui chante ; c’est injuste, mais c’est ainsi.

L’écrivain est seul, c’est ce qui fait sa grandeur, et aussi ce qui, le plus souvent, le précipite aux enfers de l’impuissance. Il est à la fois le juge unique et l’unique condamné ; il prononce la peine et l’exécute d’un même mouvement ; dans la salle d’audience déserte, il se dédouble afin de pouvoir simultanément occuper le box et siéger au bureau des juges.

Pendant ce temps, l’homme-au-blog est au centre de la piste et fait claquer le fouet du dompteur pour impressionner les adultes, affublé d’un nez rouge dans l’espoir de rameuter aussi leurs enfants ; il est en représentation. La solitude indispensable à l’écrivain, constitutive de lui-même, il l’ignore, la craint, la repousse. Le blogueur veut la foule, et surtout une foule en quelque sorte divisée contre elle-même, tel le Satan des Évangiles. Car les silhouettes sans visage qui parsèment les gradins du cirque sont ses commentateurs toujours prêts à se plier docilement à la louange ou à l’invective selon la demande qui leur est faite par le dompteur ; mais ils sont aussi des blogueurs concurrents.

Si bien que, dans un même mouvement, ils font offrande à l’homme-au-blog d’un nouveau public, tout en cherchant insidieusement à lui siphonner celui qu’il a déjà et qu’il pense avoir définitivement conquis. Ils sont ses « modèles-obstacles », au sens que René Girard donne à cette expression, ceux qui l’exhortent à se prendre pour un écrivain, et l’empêchent par là même de le devenir jamais. Double bind.

L’homme-au-blog, tournant sans fin autour de la piste, deviendra peut-être un fort habile jongleur ; s’il met assez bas le prix du ticket d’accès, il fera sans doute chapiteau comble tous les soirs. Il y aura des ris et des clameurs d’enthousiasme sous la toile, des rafales d’applaudissements et quelques huées.

Mais il ne sera jamais écrivain, même s’il devient imbattable dans l’art d’en enfiler le costume avec drôlerie et célérité. L’écrivain est condamné à avoir au moins du talent et à le découvrir seul ; l’homme-au-blog a choisi d’avoir un public : pour en assurer la pitance journalière, il ne peut rien d’autre que bidouiller de petits sketchs plus ou moins scintillants, pour faire épanouir la rate du vulgaire. Et plus il jouera à l’écrivain, plus son nez rouge se verra, grossissant comme s’allonge celui de Pinocchio, et pour la même raison exactement.

La solitude sans faille de l’écrivain risque fort de l’abattre avant terme ; la cour de l’homme-au-blog le condamne à une représentation sans fin, au cirque éternel. Et le ver rongera sa peau comme un remords.

jeudi 2 octobre 2008

Bloguer au travail 2/2

[Contribution de Gaël]



« Ça a commencé insidieusement. Tous les matins je fais une revue de presse pour le boulot. Je bosse dans un domaine très en vogue aussi bien auprès du législateur que des industriels et du grand public. Alors, forcément, il faut bien se tenir au courant. Et puis, il n'y a rien de tel quand on bosse en bas d'une grosse pyramide que de s'informer par soi-même, parce que les infos elles semblent bien aimer l'air en altitude, elles ont du mal à redescendre... Mais bon, là n'est pas votre question...


Je faisais donc ma revue de presse tous les matins : presse régionale, nationale, alertes google sur des mots clés, liens en favoris, etc... Dans ces favoris j'avais aussi glissé quelques sites de copains, dont Nicolas (pas P. ! ni S. d'ailleurs...) que j'avais perdu de vue dans la vraie vie depuis un p'tit bout d' temps. Et puis, Nicolas a ouvert ses blogs, que j'ai aussitôt ajouté à mes favoris, vous pensez bien ! J'ai commencé par suivre assidûment Partageons mes âneries, me foutant royalement de son avis et de son reste ! J'y suis venu après... Lire les compte-rendus de Nicolas me faisait marrer, je lui laissais des commentaires, il me répondait (parfois gentiment...). Puis mes filles sont nées, j'ai envoyé des photos à Nicolas et là : Paf ! 1 billet sur les pépettes ! Prune et Anna stars des blogs ! Moi fier comme pas deux j'envoie le lien à toute ma galaxie (comme le chante si bien Higelin) et Nicolas devient un z'influent au vu du nombre de visites records que je lui envoie (enfin je crois que c'est lié) ! « Agadez les filles sont déjà des stars » que je criais dans mes mails, et puis, là, une envie de blogguer m'a prise !

Puisque la famille était disséminée aux quatre coins de la France voire du monde pour certains, pourquoi ne pas ouvrir un blog familial pour informer tout le monde en temps réel des progrès des filles (qui seraient à n'en pas douter spectaculaires !) ? Encouragé en cela par Nicolas (« fainéant, pas encore ouvert ce blog ? » m'écrivait il régulièrement par mail) j'ouvrais donc le blog familial. Dans le même temps, le nombre de blogs consultés pendant la réalisation de ma revue de presse ne cessait d'augmenter? C'était surtout des blogs gravitant autour des PMA. J'osais à peine y commenter du bout des doigts, négligeant par là-même les conseils de blogage indispensables pour devenir un z'influent.

Pour alimenter mon blog familial, quand je n'avais pas eu le temps de le faire à la maison, je me permmettais d'uploader 2 ou 3 photos et d'ajouter quelques lignes de textes tout en faisant ma revue de presse, et hop ! À celle et ceux qui penseraient : « rhôôôô !!!! mais il pratique un loisir sur son lieu de travail ! » je répondrais simplement qu'un PC doit pouvoir faire plusieurs choses en même temps ! Quand on met des photos sur un blog, on n'est pas obligé de regarder la petite barre d'avancement... Rien ne vous empêche donc de continuer à bosser ! Faut pas laisser végéter un PC à faire du mono-tâche : après ça devient fainéant et ça ne veut rapidement plus rien foutre, c'est un peu comme un cerveau humain... Bloguer au boulot permet donc de s'ouvrir et d'exercer sa cervelle, en réfléchissant bien (dans mon sens surtout) c'est tout bénéf' pour votre employeur ! »

Bon, ma brillante démonstration ne semblait pas si brillante que ça pour le journaliste... D'autres blogueu(r) ses par contre voyaient très bien ce dont je parlais. Certains en étaient arrivés là par d'autres biais (réservation de voyage sur internet, consultation de la météo ou d'horoscopes, ...) : tout pouvait être prétexte à tomber sur un blog et à se voir inoculer le virus.

Sentant l'approbation de certain(e)s, j'embrayais : « Après, bloguer au travail ou à la maison, en fait l'endroit d'où l'on publie importe peu. Cette publication est en effet souvent une libération. On ne demande que rarement aux gens où ils font leur caca du matin. Alors laissez nous bloguer où l'on veut ! »

Bon l'exemple du caca était peut-être mal choisi... Plus personne en me parla de la soirée, et l'article ne fit aucune référence à mon blog... C'est pas comme ça que j'allais monter au wikio encore...

mercredi 1 octobre 2008

Bloguer au travail 1/2

[Contribution de Gaël]


"Asseyez-vous avec les autres, s'il-vous-plaît. "

Le ton avec lequel ce « les autres » avait été prononcé par l'hôtesse en disait long sur ce qu'elle pensait de nous, pauvres hères soupçonnés de profiter honteusement du système. Je me dirigeai donc vers le cercle de chaises sur lequel était installé un échantillon représentatif de ce que les médias considéraient comme les nouveaux parasites du monde du travail, rendez-vous compte, des blogueuses et des blogueurs qui assouvissaient leur bas instinct au boulot.

J'avais moi-même été contacté par mail par ce journaliste qui montait un dossier sur ce thème. Faut dire que parler de gens qui osaient utiliser leur temps de travail pour leur loisir faisait jaser et promettait de jolies ventes au prochain numéro de « l'Inquisiteur ». Drôle de nom pour un journal, non ? Ils avaient dû essayer de traduire « the Inquisitor » en français, me disais-je... Et puis pourquoi pas, après tout j'aime bien ces rencontres de blogueu(r)ses, ça permet de tisser des liens, échanger sur les buzz passés et à venir, enfin bref ça donne un peu de punch à son blog. Je m'étais donc décidé à y aller. En plus je rencontrerais peut-être de véritables stars de la blogosphère...

Je m'approchais donc du cercle de chaises. Je ne reconnaissais personne, un peu normal vu que la plupart des blogueu(r)ses tiennent avant tout à leur anonymat, surtout lorsqu'ils bloguent dans le cadre de leurs activités professionnelles... Affalé sur sa chaise comme s'il était sur une pouffe un jeune cadre dynamique consultait son y-phone avec volupté. Ça pinguait à tout va, signe qu'il devait recevoir des mails, des touittes et des attaques de loups-garous via fessebouc à tout-va. Sa voisine, droite comme un I sur son siège, attendait patiemment, faisant et défaisant sans cesse son point de croix. Le troisième larron ânonnait une étrange mélopée distillée dans son ses esgourdes par un astucieux stratagème qui avait transformé son chapeau melon en valquemane, comme on disait quand j'étais jeune. En m'approchant de mon siège, je reconnus avec stupéfaction du Prink Froyd, le morceau de 15 minutes 32 à Pompeii... Pouah ! Les autres étaient tous du même acabit, donc toutes et tous différents. Chacun était venu avec son petit univers à lui dans ses poches, mais semblait prêt à le partager avec quiconque se montrerait un tant soit peu intéressé... C'est un peu ça les blogs pour moi, c'est essayer d'apporter quelque chose de soi (ou bien qui te touche) à autrui, que cet autrui soit connu ou bien virtuel.

Enfin, la star de la soirée pénétra le cercle de chaise. Il eut un regard circulaire et s'assit à son tour sur une des chaises encore libres. « Bon, je pense qu'on est tous là, certains et certaines se sont désistés, je le en excuse, le climat est peu propice au genre de révélations que vous allez me faire ce soir. On serait plus dans une ère du « travailler plus... » que dans une société de loisirs que ça ne m'étonnerait pas (sourire)... ». Son introduction se voulait franche et directe. Peut-être pour nous mettre à l'aise. Mais à l'aise on l'était, la dernière phrase de son mail était claire : « anonymat garanti ».

Après deux ou trois intervenants, je n'avais écouté que d'une oreille distraite un chef d'entreprise web 2.0 à mort qui travaillait justement dans le milieu des blogs et qui donc bloguait au travail mais POUR son travail, je fus ensuite amusé par le témoignage de Nicolas P. qui avait exigé de témoigner depuis une autre salle et dont le boulot était de surveiller ce qui pouvait être dit par des sales gauchisses sur son patron, mon tour arriva !

mercredi 24 septembre 2008

Blog et désespoir

[Contribution de Boby]

Mon amour,

Je tiens à te le dire tout de suite, en préalable à ce courrier que tu ne liras pas. Je ne suis pas désespéré. Je ne vois pas bien l’intérêt d’avoir un quelconque espoir. Nuance.

Je me suis demandé à une certaine époque si ce que j’éprouvais était du désespoir. Pour être plus précis, quand j’ai pris conscience que tu refuserais les traitements lourds, que le crabe allait pouvoir s’en donner à cœur joie, et donc que tes jours étaient dorénavant comptés. Non, ce n’était pas du désespoir, mais plutôt d’une certaine façon une sorte de soulagement, puisque nos jours étaient comptés. Nous allions pouvoir clôturer dignement ces quarante années de luttes qui finalement, bien que nous ne voulions pas le reconnaître nous avaient, l’un comme l’autre, complètement usés. Nous n’avions plus d’illusions, ce qui est bien pire que de n’avoir plus d’espoir…

C’est à ce moment là que j’ai ouvert mon premier blog. Simplement avec le désir puéril, sinon illusoire, de laisser une trace pour nos enfants. Comme si cette toile virtuelle pouvait être marquée d’une quelconque trace.

Avec un autre objectif aussi. Celui de me créer une activité suffisamment prégnante pour que mon esprit ne perçoive plus le vide qui m’envahissait quand ton corps fatigué se réfugiait de plus en plus souvent, de plus en plus longuement, dans un sommeil qui n’avait rien de réparateur. Etre totalement à toi, complètement consacré à toi quand tu étais éveillée. Etre hors du temps et de la réalité en voguant de blogs en blogs quand tu me laissais seul face à moi-même. C’est seulement ainsi que je pouvais t’attendre. Attendre que tu sois prête.

Etrange ressenti. Pendant des semaines, des mois, je niais ma solitude en papillonnant ainsi de personnages fictifs en entités virtuelles, et en me plongeant de plus en plus longuement dans l’écriture. Et je n’ai jamais été aussi seul qu’à ce moment là.

Et puis, je ne sais même pas comment et pourquoi, un petit groupe de lecteurs fidèles s’est mis à m’entourer. Une petite communauté qui perdure aujourd’hui. Une anomalie.

(Parce que les règles du jeu de la blogosphère sont claires. De l’instantanéité, du vécu, des tripes. Bravo si tu réussis à tirer quelques larmes du lecteur attendri. Il t’oubliera un peu moins vite. Mais il t’oubliera. Toi, blogueur, tu n’es qu’un fantasme. Un lecteur ne remonte à peu près jamais dans l’historique. Le passé, ce que tu es, ce que tu as vécu, ne n’intéresse pas. Seuls comptent les instants présents. S’ils sont suffisamment poignants, tu seras l’heureux bénéficiaire d’un commentaire chaleureux. Reçois-le comme un baume, un cadeau, un encouragement. Et surtout n’oublie pas de dire merci !)

Ma chérie, je suis un peu trop amer en écrivant ces lignes. Je dois une fière chandelle à cet étrange outil, qui somme toute est suffisamment récent pour que personne n’en connaisse vraiment les règles et les possibilités. C’est grâce à lui, à mes écrits livrés en pâture à la terre entière, aux réactions empathiques d’une minorité de lecteurs, que j’ai pu tenir le coup pour toi. Je réservais à la toile mes coups de sang, mes désespoirs, mes craintes, mes lassitudes. Ainsi je restais disponible et aimant pour toi. Toi seule avais besoin de moi.

Etrange chose quand même. Ce qui n’est que le babillage de fantasmes éthérés (même lorsqu’ils disent se bourrer la gueule !), m’a aidé à être, à vivre, à t’aimer davantage…

Et puis tu as accepté que la mort finisse son œuvre. Tu m’as laissé me démerder seul. En t’opposant avec tout ce qui te restait de force à notre départ ensemble. Et puis j’ai été suffisamment lâche pour laisser faire. Pour survivre. Oui, sans trop savoir pourquoi, comment, et jusqu’à quand, je survis encore. Contre toute logique.

Sans blog.

Après ton départ j’ai essayé de poursuivre l’exercice. Par reconnaissance pour ceux qui m’avaient supporté et porté avec tout leur cœur. Par besoin d’échange, de communication. Même fictive et virtuelle, une conversation était préférable au regard hideux de la solitude. Mais les règles du jeu étaient changées. Les cris de désespoir (employons donc ce mot, je n’en trouve pas d’autre) et de souffrance quand j’essayais de t’accompagner étaient recevables. Ils émouvaient. Les même cris face à ma solitude irrémédiable et à ma recherche encore vaine d’un sens quelconque à la vie n’étaient pas acceptables. Saugrenus. Mal venus. Indécents. Agressifs. Ils choquaient. Imperceptiblement, j’ai senti les liens se distendre.

La toile est un étrange animal. Virtuel, tellement éloigné de la vraie vie, et qui pourtant n’accepte que les panégyriques idéalisés de ce que d’aucuns appellent « l’existence »…

Foin de ceux qui doutent de l’intérêt de laisser leur cœur battre à son rythme…

Je n’ai pas le choix. Je dois continuer. Accomplir les objectifs prévus. Je le ferai.

Sans blog.

Enfin… Ainsi l’ai-je voulu. Ainsi ai-je essayé. Je sais maintenant que ça ne durera pas.

Je l’ai souvent dit. Sur tous les tons. Je suis un animal social. Incapable de survivre dans la solitude. Et là, la solitude… En me coupant de ces lecteurs inconnus mais dont le cœur palpite quelque part, ici ou là, sur le globe terrestre… J’ai bâti des murs effroyables, hauts et épais, tout autour de moi. Je suis cerné. J’étouffe.

Vois-tu mon amour, je pense parfois que tu as tout fait pour me couper de tous ceux qui comptaient tant soit peu pour moi. Tu nous aurais voulu seuls, avec les enfants sur une île déserte. Tu n’es plus. Les enfants sont loin, et bâtissent leur vie. Je reste seul sur notre île déserte. Je t’ai promis de continuer. Il faudra bien que je trouve une solution.

La toile est immonde. Fluctuante. Versatile. Parfois violente. Parfois belle. Parfois hideuse. Parfois d’une générosité troublante. Parfois égoïste comme pas possible. Mais elle est.

Si, de temps en temps, je parviens à sentir un cœur au bout d’un mince et fragile fil de la trame de ce filet gigantesque, je sais bien comment je le nommerai : le Fil de la Vie…

Mon amour, je t’aime… C’est quand même drôle de dire à du vide, à une inexistence, à un souvenir, à un fantasme, à un bout de soi-même, qu’on l’aime…

Finalement, le virtuel existait avant la toile.

Tu vois, au bout du compte, après t’avoir parlé, le magma internet me fait moins peur…