Ce matin, où tout semble bien se passer, je me heurte au coin de la rue à une jeune femme, tête en l’air et affublée d’un porte document à la Jean Luc Delarue. Au coin de la rue, un clone féminin de Delarue, c’est incongru, vous en conviendrez.
Je m’excuse poliment, l’aide à ramasser ses feuilles éparpillées sur le trottoir et en me relevant, je la reconnais. Fichtre ! Ce n’est pas Mme Delarue mais bien Mme De la Sexualité, herself : zoridae de son prénom !
Très étonné, je balbutie quelques mots incompréhensibles et elle, droite dans ses baskets roses, me propose de répondre à un micro-trottoir pour alimenter « le plafond » son blog-annexe. Ravi, j’accepte sa proposition.
Z : Votre prénom ?
A : αяf ! A, R, F, comme ça se prononce …
Z : Age ?
A : Mon âge ? Vieux ! 40 ans quoi…
Madame Zoridae de la Sexualité me présente alors une petite moue m’intimant un « mais naaan !c’est pas vieux 40 ans ! » Mais elle ne dit mot..
A : Ce n’est pas vieux ?! C’est gentil …
Z : Votre profession Monsieur αяf
A : Blogueur et de façon dilettante, je travaille pour une société de cosmétiques.
Z : Très bien, alors pour vous Monsieur αяf , bloguer c’est bio ou bien ?
Nom de dieu, c’est quoi cette question ? Zoridae de la Sexualité n’est plus ce qu’elle était ; ça fait des ravages quand même de ne plus bloguer ou si peu. Tant de temps coupée de la blogosphère l’a fait dérailler. Elle n’est plus que l’ombre d’elle-même. Que faire ? Lui répondre et entrer dans son délire ou prendre le sujet à rebrousse poil et tenter une réponse approximative. Bon, pas de réflexion excessive, je me lance.
A : Bien, écoutez, pour ma part, bloguer peut s’avérer bio comme bien suivant les époques, le temps, l’espace et le taux de consommation de la betterave rouge. Je m’explique.
Il y a des périodes où étant fort enthousiaste, je consomme énormément de blogs pas toujours très digestes et d’origine plutôt douteuse. Certainement qu’au passage, je publie même quelques billets remplis de pesticides ou autres substances néfastes pour la santé et l’environnement. Je ne compte pas non plus les matériaux improbables utilisés dans les mots absorbés ni les corps gras véhiculés par les photos publiées. Je suis dans ces moments là, un hyper-consommateur d’informations blogguiennes et ne fais guère attention à l’origine des denrées scripturales ingérées. Je vous l’accorde, ce n’est pas très raisonnable. C’est mon coté « ou bien » voire « pas bien »
Parfois, plus calme et avec un taux de stress diminué par la chaleur des beaux jours, je me pose sur des pages plus clémentes qui semblent avoir été construites en matériaux recyclables. Je goûte alors, avec ravissement, à des mots raffinés ; certains paraissent mêmes artisanaux, presque roulés sous les aisselles. Estampillés Max Havelaar, certains blogs, en résines de pins véritables, sentent presque le thym et la farigoulette. Je me promène alors en toute quiétude, certain du bien fait et de l’appellation d’origine contrôlée des mots et échanges employés. C’est frais, c’est gai, cela ne mange pas de pain et n’attaque point la religion. Un vrai bonheur. Mais alors attention, lorsque je suis dans ces contrées, toujours je m’assure de la véracité de leur présentation bio. Je suis toujours le lien qui m’emmène sur le « à propos de » ou le « Qui suis-je ? » afin de m’assurer de la provenance exact du blog. Il ne s’agirait pas non plus de tromper le consommateur avec du blogueur estampillé bio qui s’avérerait être un parfait citadin importateur de mots venus de Taiwan, ou d’autres pays favorisant le travail des enfants. Toutes les vérifications faites, je me fais un plaisir de commenter en saluant l’authenticité et le bienfait des produits culturels self made présentés et me retire dans mes tranchées rupestres. Ceci est mon côté « bio nature »
Z : Euh… Monsieur αяf, vous semblez confondre bio, écologie, travail clandestin, commerce équitable et problèmes envirommentaux généraux, non ?
A : Ah oui, peut être, mais sinon, vous le connaissez à Monsieur Delarue. Non, parce que j’aimerais bien assister à une de ces émissions culturelles là. Vous savez « Toute une histoire » ou même « Ca se discute » ? Vous n’aimez pas vous les betteraves rouges ?
Z : Oui mais non, je ne le connais pas. Les betteraves ? si, si ! Merci Monsieur αяf pour avoir répondu à mon micro-trottoir. Au revoir !
« Mon ami, votre question me prend un peu au mauvais moment, car je déteste parler pendant que mon chien pisse : ça le perturbe et il rate le caniveau. Mais enfin, puisque le mal est fait...
« Bloguer n'est ni bio – puisque ce n'est pas naturel – ni bien, car ce qui est bien c'est d'écrire. Or, bloguer est mieux qu'écrire, dans la mesure où c'est beaucoup plus moderne et surtout plus convivial. C'est d'ailleurs à ce point que surgissent les questions réellement intéressantes, sous-tendues par la vôtre.
« Ainsi, le mieux étant l'ennemi du bien, doit-on en déduire que le blogage va détruite l'écriture ? Autre chose : toujours considérant que le mieux est l'ennemi du bien, est-on autorisé à penser que le myo est l'ennemi du bio ? Et devra-t-on alors regarder les amateurs de bio comme des myopathes ? Leur organiser des blogotons ?
« Si, à l'inverse, le bio est bel et bien bieau, le blog peut-il être autre chose que vaste blague ?
« Vous le voyez, mon jeune ami : ce que vous avez fait, ce n'est pas poser une question, mais entrouvrir un abîme. Dans lequel, foutu salopard, mon pauvre chien vient de disparaître ! »
"Non. Je suis catégorique : non. Bloguer nécessite d’aller au bistro pour obtenir des analyses politiques ou des anecdotes vaudevillesques. Or, au bistro, on boit de la bière produite par des industriels à un point où on se demande si les céréales utilisées pour la fermentation ne sont pas transgéniques. En outre, la plupart des billets ne sont pas recyclables sauf pour dénoncer la politique du gouvernement ou les conneries du vieux Jacques."
"Bloguer ? C'est quoi ?"